dimanche 25 mai 2008

Nettoyer, balayer, astiquer ...

....
En feuilletant un livre sur les contes et légendes de France, je suis tombée sur celui-ci, un conte Picard ... Je vous laisse le soin de le découvrir, personnellement, il m'a fait bondir ...




Pourquoi la femme fait le ménage

Auparavant, dans le bon vieux temps, et soyez certains qu'il y a bien longtemps que ce bon vieux temps est passé, l'homme n'était pas plus que le femme ; ils faisaient alternativement les travaux du ménage et les hommes ne songeaient pas trop à s'en plaindre : c'était la coutume.

En ce moment, il y avait à Warloy un cordonnier nommé Jean qui aimait plus sa bouteille que son tire-pied. Sa femme Marianne ne le voyait pas d'un bon oeil passer une bonne partie de sa journée dans les cabarets du village. Un jour où le cordonnier était de "ménage", comme celui-ci oubliait l'ouvrage en buvant au café voisin quelques chopes de bière avec ses amis, sa femme alla l'y trouver, lui fit des reproches sur sa paresse, son inconduite et finalement se prit de querelle avec lui.
- Eh bien ! dit Marianne, puisqu'il en est ainsi, je ne te parlerai plus.
- Tu ne me parleras plus, dit-il ? Soit, je te prends au mot. Mettons un dédit. Tu es toujours à m'ennuyer avec ton ménage : celui de nous deux qui le premier parlera à l'autre fera le ménage, rincera la vaisselle, balayera la maison, préparera la soupe et la bouillie, blanchira le linge, enfin fera tous les travaux que l'on a coutume de se partager dans le ménage.
- C'est entendu ! C'est entendu ! Ivrogne de malheur !
Et la femme s'en alla.





Pendant quinze jours, il ne fut échangé aucune parole entre les deux époux ; ce n'est pas que Marianne put aisément se passer de parler, surtout à son mari, qu'elle aimait beaucoup malgré les petites querelles d'intérieur, mais il lui aurait fallu faire le ménage et c'était ce à quoi elle ne tenait en aucune façon.

Au bout de ce temps, un voyageur passant par Warloy eut besoin d'une paire de bottes ; il demanda la demeure du cordonnier et vint chez celui-ci. La porte de la maison était ouverte, il entra, alla droit à Jean, se découvrit et salua d'un beau :
- Bonjour, monsieur le cordonnier !
Jean, sans répondre, se mit à siffler l'air de Au clair de la lune, mon ami Pierrot ...
- Voilà un homme mal appris, se dit l'étranger. Qu'importe ! Monsieur le cordonnier, j'aurais besoin pour demain d'une belle paire de bottes ; je ne vous marchanderai pas le prix ; pouvez-vous me la faire ?
- Psst ...
Au clair de la lune,
Mon ami Pierrot,
Prête-moi ta plume
Pour écrire un mot ...
continua de siffler maître Jean le cordonnier.
- Vous n'entendez donc pas ?
Et le cordonnier se remit à siffler de plus belle.
- Cet homme est fou, pensa le voyageur. Voyons si je pourrai tirer quelque chose de sa femme.





Et il s'avança vers la femme qui, assise à son rouet, filait tranquillement en chantant :
Passez la navette,
Le bon temps viendra.
- Ma bonne dame, qu'a donc votre mari ? Je viens de lui parler et, comme un grand nigaud, il me siffle au nez sans se donner la peine de répondre.
Marianne fit un beau salut au "monsieur" et repris son rouet et sa chanson :
Passez la navette,
Le bon temps viendra.
- Mais, madame ...
Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il tonne !
Restons aillou (où) qu'ou (nous) sommes.
Passons la navette,
Le bon temps viendra.
- Je suis donc chez des fous ? Dites donc la femme ? dit le voyageur qui s'impatientait beaucoup.
- Passez la navette ... avait recommencé la femme pour toute réponse.
- Attendez donc ; je vais vous la passer, la navette ! Si vous croyez vous moquer ainsi d'un étranger.





En prenant son bâton, il se mit en devoir d'en frapper la femme à coups redoublés, pendant que le joyeux cordonnier, maître Jean, reprenait gaiement :
Passez la navette,
Le bon temps viendra.
Qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il tonne !
Restons aillou qu'ou sommes.
Ceci exaspéra Marianne qui, oubliant la convention, ne put s'empêcher de s'écrier :
- Oh ! le misérable. Tu ne viendras donc pas à mon secours !
- Femme, à dater de ce jour, tu feras le ménage, rinceras la vaisselle, balayeras la maison, prépareras la soupe et la bouillie, blanchiras le linge, écumeras le pot au feu et feras tous les travaux que l'on avait coutume de se partager dans le ménage.
Marianne dut en passer par là ; Jean raconta l'aventure à ses voisins et, chacun dans sa maison, laissa les travaux du ménage à la femme. La coutume était bonne, on la conserva. Mais une nuit ... Le coq chanta, il était jour, et mon conte est fini.


Tiré de :
Contes et légendes de France
textes réunis par Galina Kabakova
Flies France, 1998 (Aux origines du monde)
[pp. 148-151]


"C'est pas pour ça que vous faites le ménage ... C'est pour avoir l'impression d'être indispensable à la maison ..." Le bucheron


11 commentaires:

Anonyme a dit…

Bof , ils devaient se faire chier à la veillée en picardie si ce "conte" figure parmis ses histoires les plus connus ! super les illustrations ! le bûcheron a perdu son^ ?

PetitChap a dit…

Oui, je te l'accorde, le conte n'est pas vraiment fascinant. Mais ce qui m'a fait bondir est la misogynie de cette pauvre histoire ... Le fait que l'homme commence avec son fameux "Tu es toujours à m'ennuyer avec ton ménage" montre bien que c'était déjà "une affaire de femme". Et puis l'auteur souligne bien que Marianne est "bien une femme" : elle a du mal à se taire ... mouaih ... je trouve ç a un peu moyen ...

Mais ce qui me gonfle bien plus, c'est le fait que l'étranger préfère tabasser la femme plutôt que l'homme, à "faute" égale ; le fait aussi que le mari ne daigne pas broncher quand sa femme est à deux doigts de se faire battre et que la seule chose qu'il trouve à répondre quand elle s'en plaint est "Femme, à dater de ce jour, tu feras le ménage, rinceras la vaisselle, balayeras la maison ...".

Elle n'a rien à dire, la pauvrette. Elle a juste à fermer sa jolie petite gueule ; et pire encore : le fait d'avoir fait remarquer à son mari qu'il n'est qu'un misérable qui ne la défend pas oblige toutes les autres femmes à se coltiner les tâches ménagères ... C'est pas complètement con, ça ?!

"La coutume était bonne, on la conserva."

Une histoire d'homme, inventée par des hommes, pour justifier la supériorité du mari sur la femme. Autres temps, autres meurs, j'imagine ... mais ça m'a fait bondir.

M. Ogre a dit…

... La Nature est bien faite quand-même !!!

Anonyme a dit…

Moi j'aime beaucoup tes ménagères !!! Sinon c'est juste que vous faîtes le ménage car les mecs peuvent plus facilement vive dans la crasse que vous !!! Y a qu'à voir les apts de célibataires !! lol lol lol

PS : avec ce com .... je perds tout crédit auprès des jeunes filles qui passent ici !! lol lol

Anonyme a dit…

Au moins, ca signifie que les femmes tiennent parole quand elles font un marché ! Ce qui n'est pas le cas de tout le monde...

PetitChap a dit…

M.Ogre >> ...

Beber >> oh !! un revenant !! Tu aurais pu profiter de ton absence sur les blogs pour faire le ménage chez toi ...!!

Elbereth >> Oui mais on s'est un peu fait avoir, sur le coup, quand même ...!!

Anonyme a dit…

J'ai trouvé ça !
http://www.linternaute.com/savoir/magazine/cub-de-pub-les-publicites-a-travers-le-temps/attention-au-loup.shtml

PetitChap a dit…

Alain >> J'adore !! Merci !

Anonyme a dit…

Awa, lébon ?

Ca me rappelle, dans un genre un peu différent, la blaque de la Harley, la vaisselle et la vaseline...

Anonyme a dit…

Les illustrations sont d'origine ? C'est génial...

Anonyme a dit…

Lire le blog en entier, pretty good

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