dimanche 26 octobre 2008

Le petit nuage

.


Encre de Dominique Landucci


Le petit nuage

Par une chaude matinée d'été, un petit nuage blanc s'éleva des bords de la Méditerranée. Il se mit à danser dans le ciel bleu au-dessus de Grau-du-Roi. Il pouvait voir tout le pays. Et la sécheresse sévissait ! Et la mauvaise eau, la malaigue, empuantissait les roubines, les étangs.

Il était seul, le petit nuage, dans le grand ciel bleu. Et il s'embêtait. Il croisa un goéland pygmée qui arborait son bonnet noir de printemps.

« Là-bas, dans les vignes, ça grille ! » siffla l'oiseau. Le petit nuage aperçut des vignerons qui scrutaient le ciel. Ils devaient être malheureux. Cela faisait de longs mois qu'il ne pleuvait pas. Le petit nuage, lui, flottait dans l'immensité du ciel, joyeusement. Il descendit de plus près pour observer le travail des vignerons. Il faisait très chaud, l'air était étouffant.

« Si tu pouvais nous aider ! » suppliaient les vignerons. Le petit nuage voulait bien les aider, mais il savait qu'en agissant ainsi, il mourait.
— Et puis, dit-il aux vignerons, je suis si jeune, si petit, je ne donnerai que quelques gouttes de pluie...
— Va voir le Grec ! lui chanta Ramal, le plus vieux des vignerons qui fumait sa pipe assis sur un banc de pierre, devant sa maison, à l'ombre d'un platane.
— Et qui c'est le Grec ? chuchota le petit nuage, moi, je ne connais personne de ce nom !
— Oh là là, dit Ramal, tu ne connais pas le Grec, toi, un nuage ?
— Non, gémit le petit nuage.
— Écoute-moi, pauvre enfant, s'écria le plus vieux des vignerons, grandis, grossis ! Et puis, un beau jour, tu le rencontreras le Grec ! Il te conduira jusqu'à nous !



Lonely Cloud by Meelas


Le petit nuage se dit que le vieillard commençait à radoter. Et ils en connaissaient des histoires, les vieux ! Ils parlaient de tout et de rien : « De mon temps... Et patati et patata ! Les cerises ! Le sourire des femmes ! Les charrettes et les chevaux ! »

A croire qu'ils n'avaient que ça à faire : raconter leur enfance, leur vie, leurs amours !

Un matin, le petit nuage avait aperçu le vieux vigneron qui marchait difficilement sur le chemin appuyé sur sa canne. Il était venu lui parler.
— Bonjour, Monsieur Ramal.
— Ah ! c'est encore toi, diablotin ! Et que me veux-tu aujourd'hui ? Tu ne vois pas qu'il fait trop chaud ? Va donc rejoindre tes frères !
— Monsieur Ramal, avait murmuré le nuage, Monsieur Ramal !
— Et quoi donc encore ?
— Je voudrais que vous me parliez des vents...
Le vieillard avait hoché la tête.
« Ah, les vents, avait-il dit, les vents ! On pourrait en parler pendant des mois !»
Le vieil homme s'était contenté de donner quelques explications au petit nuage. Le vent Cers tirait son nom d'un dieu gaulois qui avait enlevé la vierge Orythia, le Grec était un vent tiède et moite qui apportait la pluie.
« Le Grec a la pluie au bec, avait rajouté le vieux vigneron, et la pluie est bonne pour le blé, pour la vigne, pour les hommes. Elle donne la vie, sans elle tout est sec, tout meurt... »
Puis, ne pouvant réconforter le vieillard, le petit nuage partit vivre sa vie et, un matin, il rencontra ses frères, les nuages, les beaux et merveilleux nuages que le vent poussait vers la côte.
— Où allez-vous ainsi ? leur demanda le petit nuage.
— Sur le Lez, répondit le premier.
— Sur la Buèges, répondit le deuxième.
— À Saint-Guilhem-le-Désert, répondit le troisième.


La garrigue, sous eux, somnolait écrasée de chaleur. Le petit nuage n'avait guère grandi, mais il avait trouvé les siens et il décida de faire comme eux.

« Je viens avec vous » déclara-t-il sans ambages. Alors, du haut de son étoile enchantée, le vent Grec emboucha sa corne et souffla en direction de la terre.

Les nuages partirent au galop et sous leurs pieds jaillirent des éclairs. Le tonnerre ébranla les cieux.

Ils descendirent au plus près de la terre et, doucement, finement, s'épanchèrent en pluie fine sur les amandaies et les vignes.

Ils mouraient, les nuages, afin de donner à leur vie tout son sens. C'est ainsi que le petit nuage de notre conte devint une gerbe de pluie, ondulante, cristalline.

La pluie vint grossir les sources et les rivières du pays. Les vignes, les blés, les amandaies furent sauvées.

Dans les villages, les hommes poussaient des cris de joie, les enfants, les femmes à demi dévêtues dansaient sous la pluie.

Le vieux Ramal était toujours assis sur son banc. Il songeait à sa rencontre avec le petit nuage.
« Plus rien ne sera désormais comme avant si les hommes savent parler aux nuages » grommela-t-il.
Quand le soir tomba sur le pays rasséréné, un arc-en-ciel se dessina à l'horizon. Il était si magnifique que Ramal ne douta pas qu'il fût l'œuvre du petit nuage et de ses frères.


in Contes occitans
Jean-Pierre Védrines
C. Latour, 1997 (Colporteur)


D'après la narration d'un vieux pêcheur, on dit au Grau-du-Roi que le Petit Nuage revient souvent pour écouter le long bruissement de la mer et le tohu-bohu populaire de la ville ; qu'il fait son régal des couchers de soleil sur la plage et les étangs.


Par ici la suite »

dimanche 12 octobre 2008

Une nouvelle saison...

.


Toi qui n'a jamais joué...

Dans le vestiaire étroit
Les deux grands bancs de bois
L'odeur d'huile camphrée
Le bruit sec des crampons
Sonnant sur le béton
Moi j'ai pas oublié
Tu te mets le maillot
T'es tout neuf, t'es tout beau
Qui sait si tu as peur
Un regard, quelques mots
Le rugby ça tient chaud
Le dimanche à 15 heures

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le coeur serré
Lorsque revient septembre



A l'heure de vérité
Plus question de tricher
Quand on est face à face
Ce petit homme en noir
Et ce ballon bizarre
Tout le reste s'efface
Et tu donnes et tu prends
Et tu cours dans le vent
Vers la terre promise
Et tu gagnes ou tu perds
Paradis ou Enfer
Mais le temps cicatrise

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le coeur serré
Lorsque revient septembre



Et le combat fini
Les frères ennemis
Ensemble sous l'eau pure
Avoir la même foi
Avoir les mêmes joies
Ça soigne les blessures
Et ça gueule à tue-tête
On oublie la défaite
Ou on chante la victoire
Toi t'as jamais chanté
Montagnes Pyrénées
Et les chansons à boire

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le coeur serré
Lorsque revient septembre



Vient le temps des regrets
Et l'on garde à jamais
Ça te fera sourire
Un maillot délavé
Des crampons déchirés
Des tas de souvenirs
Comme ils sont de chez nous
Les Héral, les Fédou
Qui l'ont si bien montré
Et ne sois pas surpris
Quand je parle rugby
J'ai la gorge nouée

Toi qui n'as jamais joué,
Comment peux-tu comprendre
Qu'on ait le cœur serré
Lorsque revient septembre




Il n'existe pas un seul rugbyman qui ne connaisse pas cette chanson. Les paroles varient – sensiblement – d'un club à l'autre. Je vous fais grâce de la bande son, mais sachez qu'un rugbyman qui la chante est toujours très "habité"...
Les photos ont été prises lors de la saison 1999-2000 du Sporting Club Albigeois. Il était alors encore question de "mouiller le maillot" pour l'amour d'un club, d'une ville... Le club était en première division amateur, c'était la dernière saison du bûcheron au SCA... Il se pourrait même qu'il apparaisse sur ces photos... Allez savoir...!


Par ici la suite »
Related Posts with Thumbnails