lundi 27 avril 2009

Tous les chemins mènent à celui des aiguilles

Cochons roses

Dis voir... Je viens de me rendre compte que ce blog est ouvert depuis un an. Et après un petit tour sur Analytics, voici quelques résultats, du 24 avril 2008 au 24 avril 2009 :

Ce blog a reçu plus de 8700 visites, et de 95 pays/territoires différents... allez comprendre ce que la Chine (18 visites) ou l'Ukraine (6 visites et presque 9 minutes de temps moyen par visite) sont venues chercher ici... Et c'est sans évoquer le Vénézuela, le Mozambique, le Sri Lanka et autres Laos ou Koweit... Incroyable.

53% d'entre vous utilisez Internet Explorer ; 43% utilisent Firefox. Il y a quelques Safari, Chrome et Opéra. Et figuez vous qu'il y a eu une visite via Playstation 3, et une visite via Playstation Portable... Fantastique.

Plus que 93% d'entre vous utilisez Windows ; 4.5% utilisent Macintosh ; 1.78% pour Linus. Il y a quelques traces de iPod, Nintendo wii, Playstation, iPhone... Magnifique.

Je passe sur vos résolutions d'écran (il y a quand même un "0x0"...), sur vos versions Flash ou votre prise en charge de Java... Je suis sympa.

Mais revenons deux minutes à vous, vous habitez donc pour l'immense majorité en France. La ville qui arrive en tête est Paris... Félicitations à vous ! Celle qui arrive bonne dernière est Albert. Moi je ne savais même pas que cette ville existait... Je m'en excuse auprès de tous ses habitants. Mais grâce à vous, j'ai découvert tout un tas de villes (leurs noms uniquement, hein, parce que je suis bien incapable de les situer sur la carte...) : Charenton-le-Pont, Roquebrune-sur Argens, Montataire, Villeneuve-Loubet, Seclin, Pantin, Chilly-Mazarin, Rillieux-la-Pape, Chemin, La Gaude, Gregy-sur-Yerre, Palaiseau, Vernouillet, Montlhery, Laxou, Chatou, Ferrette, Wissous, Joue-les-Tours (?!)... Génial.


Piranha


Ce qui est drôle, maintenant, c'est de voir ce que les gens ont tapé avec leurs petits doigts sur les moteurs de recherche... Il y a plus de 1500 choses différentes, je ne peux pas toutes les passer une à une. On trouve "petitchap" en tête (je suis quand même un peu soulagée, là), "la vie est un songe" en deuxième position (tout ça pour un article de merde, en plus !), "le chemin des aiguilles" en troisième position. Bon.
On trouve un nombre incroyable de choses hallucinantes. Il est par exemple dingue de constater le nombre de gens qui cherchent les paroles de la chanson "nettoyer balayer astiquer" (ce n'est pas le titre, mais c'est ce qui est tapé)... Ils tombent ici à cause d'un conte... Ca reste encore compréhensible. Mais on tombe rapidement dans l'incompréhensible : "bonjour monsieur le cordonnier", "carlos big bisous blogspot", "c'est quoi la gourmandise et ses effets", "bras coupes", "bisous sur la joue droite", "bergere a la quenouille statue", "bebete qui mange des lulus", "comment fabriquer une photo de deces", "comment laver les oreilles d'un chiwawa", "combien de fois la grande aiguille passe devant la petite en heures", "grosse moissonneuse"... J'en passe et des vraiment chouettes.

Mais j'ai encore mieux : ce sont toutes les recherches pour de l'auto-médication, ou pour du sexe. Extraits :

"comme des petites aiguilles à l'anus", "comment se laver les oreilles", "conseil grand mere menstruation nouvelle maladie", "conseils pour une femme qui saigne beaucoup lors de la menstruation", "constipation (remède de grand mère)", "contrariétés causes et remèdes", "dartre bebe cause", "des aiguilles dans tt mon corps", "causes de céssation de régles chez la femmes", "bourdonnement des oreilles+remede grand mere", "bon, tu vas te doucher", "avoir des regles abondante avec infusion d'armoise", "+provoquer +règles", "menstruation odorante", "dessins lavements", "mal et sensation aiguille entre l'anus et le vagin"...

"couple exibitioniste", "cuisse ecartées", "belle femme sex", "aiguilles dans les poitrines de femme", "aiguille sexe", "aiguille dans les seins sm", "onanisme", "aiguilles dans le sexe", "me faire astiquer", "masturbation passion", "masturbation cousin cousine", "les plaisirs du lavement com", "lavement puni fille", "envie de le baiser", "donzelles en chaleur", "mamie chaude"...

La grande classe, non ?

Et pour terminer, le "top ten" des pages les plus vues, hors la page d'accueil bien entendu :
1. Du savoir vivre féminin en 15 points (janvier 2009)
2. Par les soirs bleus d'été (juin 2008)
3. Nettoyer, balayer, astiquer (mai 2008)
4. Les petits remèdes de Mère-Grand (septembre 2008)
5. Avis de décès (mai 2008)
6. Révolte et fraternité (juillet 2008)
7. Belle Églantine - Chanson de toile (janvier 2009)
8. Quelques libertés.. (juillet 2008)
9. Les femmes qui lisent sont dangereuses - 1 (février 2009)
10. La vie est un songe (avril 2008)
Voilà, le Chemin des aiguilles n'a plus de secrets pour vous... Merci beaucoup pour vos visites et rendez-vous dans un an pour de nouvelles statistiques !

Quelle vie trépidante, tout de même...


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dimanche 26 avril 2009

Elle flotte encore...


Weeki Wachee Spring - Toni Frissell, 1947
Weeki Wachee Spring - Toni Frissell, 1947

Ophélie

I
Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
— On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir,
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
— Un chant mystérieux tombe des astres d'or.
II
Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
— C'est que les vents tombant des grand monts de Norvège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
À ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
— Et l'Infini terrible effara ton œil bleu !
III
— Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.


Arthur Rimbaud
in Poésies, 15 mai 1870

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vendredi 24 avril 2009

Les contes sont éternels...


« Les contes ne sont pas faits pour endormir les enfants mais pour éveiller les hommes. »


Le petit poucet - Illustration de Gustave Doré


Je ne sais pas ce qui me pousse perpétuellement vers les contes, mais plus j'en découvre, et plus ils me fascinent ; plus j'en lis, mieux je les comprends. Il est amusant également de constater à quel point ils se ressemblent, tant dans leur structure que dans leur contenu. Il arrive même de trouver des scènes identiques dans des contes qui sont pourtant en apparence totalement différents. Ainsi, j'ai découvert il y a peu, mais je ne vous l'apprendrai peut être pas, que « La Belle et la Bête1 » de madame Leprince de Beaumont et la version de « Cendrillon2 » des frères Grimm ont une scène commune : les deux soeurs aînées demandent au père qui part en voyage de leur ramener de beaux habits et des pierres précieuses, la fille la plus jeune (la Belle ou Cendrillon) ne demandent rien. C'est le père qui leur propose de leur ramener quelque chose, elles choisissent donc pour l'une une rose, pour la seconde une branche de rameau.

Le conte qui m'est le plus cher est bien évidemment « Le petit chaperon rouge »... Je crois que ce qui est merveilleux, dans ce genre de récits, c'est que chacun prend ce qu'il veut en prendre, et peut choisir — consciemment ou non — de laisser ce qui ne lui convient pas, ou ce qui lui semble trop violent ou cruel. Les contes sont un miroir de nos sentiments, de nos peurs, de nos fantasmes. Ils nous permettent de tester une palette impressionnante de sensations sans pour autant que l'on soit obligé de se mettre réellement en danger. Ils permettent différents niveaux de lecture. Enfants, nous nous identifions aux princes et aux princesses, nous allons combattre les dragons et affronter les ogres. Nous prenons des risques bien au chaud dans notre lit, nous avons peur, nous sommes chevaleresques ou amoureuses... Nous apprenons à surmonter un obstacle, à vaincre les méchants... et nous sommes toujours récompensés. Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants... Mais les contes ne se limitent pas à ces belles histoires. Sous leur aspect faussement naïf et enfantin, et avec leur structure simple en apparence, ils nous disent bien plus que ça. Peau d'Âne s'enfuit de chez elle à cause d'un père incestueux ; la Belle au bois dormant du Moyen-Âge accouche de jumeaux alors qu'elle est encore endormie, ce qui implique un viol pendant son sommeil ; la mère du Petit Chaperon rouge l'envoie sciemment se faire croquer par le loup ; les parents du Petit Poucet se débarrassent de leurs rejetons parce que trop pauvres pour nourrir tous ces estomacs affamés... Ces notions, lorsque nous les lisons en tant qu'adultes, nous parlent autrement que lorsque que nous étions enfants et que nous trouvions "rigolo" le dialogue entre le loup et le chaperon rouge, par exemple.



Le petit poucet - Illustration de Gustave Doré


Ce qui est merveilleux dans les contes, c'est qu'ils "parlent" à tout le monde, ils font partie de l'inconscient collectif. Tout le monde ne pourra pas conter exactement Le Petit poucet ou Barbe-Bleue, mais chacun sait que le premier sème des cailloux pour retrouver son chemin, et que le second tue toutes ces épouses... Et les contes sont partout : au cinéma, dans les publicités, dans les jeux vidéos... et même dans le monde du travail. Il existe ainsi des consultants spécialisés dans de grosses entreprises qui exploitent les contes et leurs mécanismes pour redynamiser des équipes, pour former des « winners ». Tout le monde peut comprendre ce schéma : le royaume est en danger, le roi demande donc à un chevalier d'aller vaincre les méchants dragons pour retrouver une certaine quiétude. Le chevalier aura besoin de nains qui lui donneront des pouvoirs magiques pour mener à bien sa mission. Il n'y a pas besoin de faire de dessin pour comprendre que l'entreprise bat de l'aile, que le directeur nomme une personne pour résoudre le problème, et que cette personne aura besoin d'être aidée pour faire correctement son job... Malin, non ?!

Et puis les contes ont toujours existé. Chaque société, chaque groupe d'individus, a ainsi des "histoires" qui sont contées depuis des générations, qui sont adaptées à la réalité de chaque époque. Ces histoires véhiculent un certain nombre de notions, de valeurs ou d'idées communes pour le groupe. Ces contes "parlent" à tous les membres d'un même groupe social. Les contes régionaux, par exemple, reprennent beaucoup d'éléments des contes traditionnels que nous connaissons tous, mais ils sont ancrés dans la "réalité locale". Ainsi, on introduit des noms de villages ou de hameaux pour que les gens s'identifient mieux, on introduit également une spécificité locale (le "drac" par exemple, par chez moi... qui est le diable ou l'ogre). Les contes sont vivants... c'est ce qui les rend passionnants et éternels...


Je me rends compte que cet article part un peu dans tous les sens et je m'en excuse, mais j'ai l'impression que je pourrais tenir des nuits entières à parler des contes en général... Je ne peux que vous conseiller de vous replonger dans les contes qui ont bercé votre enfance, mais en mettant de côté les versions Disney et en reprenant les "basiques" : Grimm, Perrault, Andersen... Je suis certaine que vous découvrirez beaucoup de perles...

Et puis je viens de me louer un film documentaire sur Vodéo (ce qui explique en réalité cet article) sur les contes. Ce n'est pas un documentaire exceptionnel, mais il est quand même assez intéressant :

Requiem pour un conte, réalisé par David Maltese, 2007.




1 La Belle et la Bête, Madame Leprince de Beaumont
« Il y avait un an que cette famille vivait dans la solitude, lorsque le marchand reçut une lettre par laquelle on lui annonçait qu'un vaisseau, sur lequel il avait des marchandises, venait d'arriver sans encombre. Cette nouvelle faillit faire tourner la tête à ses deux aînées qui pensaient qu'enfin elles pourraient quitter cette campagne où elles s'ennuyaient tant. Quand elles virent leur père prêt à partir, elles le prièrent de leur apporter des robes, des palatines, des coiffures, et toutes sortes de bagatelles. La Belle ne lui demandait rien, car elle pensait que tout l'argent des marchandises ne suffirait pas à acheter ce que ses soeurs souhaitaient.
— Tu ne me pries pas de t'acheter quelque chose ? lui demanda son père.
— Puisque vous avez la bonté de penser à moi, lui dit-elle, je vous prie de m'apporter une rose, car on n'en trouve point ici.
Ce n'est pas que la Belle se souciât d'une rose mais elle ne voulait pas condamner, par son exemple, la conduite de ses soeurs qui auraient dit que c'était pour se distinguer qu'elle ne demandait rien. »


2 Cendrillon, Jacob et Wilhelm grimm
« Il advint un jour que le père voulut se rendre à la foire, alors il demanda à ses deux belles-filles ce qu'il devait leur rapporter.
— De beaux habits, dit l'une.
— Des perles et des pierres précieuses, dit la seconde.
— Mais toi, Cendrillon, que désires-tu ? dit-il.
— Père, le premier rameau qui, sur le chemin du retour, heurtera votre chapeau, cueillez-le pour moi. »


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jeudi 23 avril 2009

Les gens sont méchants...


Dessins de Peter de Sève


Pas trop le temps de blogger ces jours-ci, donc petit passage éclair et conversations surnaturelles :

Une vieille dame toute fripée, sur un ton pas très avenant :
— Hé dites donc, combien que ça coûte pour avoir la carte de la bibliothèque ?!
Les vieux sont méchants et suspicieux, ils ont toujours l'impression qu'on essaie de les escroquer...
— Ca dépend madame... Vous habitez où...?
La vieille dame, sur un ton un peu sec :
— Hé bé ici pardi !! A la maison de retraite !
Comme si c'était écrit sur sa tronche...
— La carte sera donc gratuite, madame, et vous pourrez prendre des livres et des magazines...
La vieille dame, qui monte d'un ton :
— Mais je m'en fout moi de tout ça !! Y'a que les romans qui m'intéressent ! Combien qu'elle coûte, la carte, pour les romans ?!
PetitChap, carrément décontenancée :
— ... heu... ben je viens de vous le dire... La carte est gratuite....
La vieille dame, visiblement agacée :
— mmhh... mouaih...
Et elle est partie...




Une dame d'une quarantaine d'années sortie tout droit de la cabane de José Bové :
— Bonjour, je voudrais me renseigner sur l'accès à Internet. C'est pour mes enfants.
PetitChap lui explique tout ça. La dame, encore calme :
— D'accord. J'habite à [..., dans un département voisin au notre]. Combien ça va me coûter ?
PetitChap, un peu désolée (mais ce n'est pas moi qui ai fait les tarifs...) :
— La connexion vous coûtera alors 4€ de l'heure...
La dame commence à hausser le ton et à virer au rouge :
— Vous vous foutez de ma gueule ? C'est ça ?! C'est quoi cette histoire ?! Non mais c'est n'importe quoi !! Alors sous prétexte que je n'habite pas ici, je dois payer plus cher, c'est ça ?! Et comment je fais, moi, alors, hein ?!
PetitChap qui n'a pas grand chose à répondre :
— ...
La dame s'emballe :
— Non mais sans déconner !! C'est incroyable ça !! Vous n'avez qu'à me faire une ristourne, et puis c'est tout ! Et puis je vais écrire à votre directeur et lui dire que vous devez me faire une ristourne !
PetitChap, habituée à se faire gueuler dessus alors même qu'elle n'y est pour rien :
— Oui, vous pouvez bien évidemment écrire à notre directeur, mais je doute que ça change quoi que ce soit...
La dame ne se calme pas :
— Non mais c'est carrément incroyable cette histoire !! Je rêve !! Parce que figurez-vous que chez nous, on fait l'école à la maison !! Et oui !! Et mes gosses, ils en ont besoin d'Internet ! Et oui !! Et moi je vous préviens, je vais le dire à votre directeur que vous devez me faire une ristourne parce que je fais l'école à la maison !! Ah ça, oui, je vais le lui dire et je ne vois pas pourquoi il me la refuserait !!
PetitChap, dépitée :
— ...
Et la dame est partie...




Un monsieur qui trimballe son petit-fils :
— Bonjour ! Pourriez-vous me dire où a lieu l'animation sur les oiseaux, s'il vous plait ?
PetitChap, le regard désolé :
— Ah mais monsieur, l'animation sur les oiseaux n'a lieu que les mercredis et les samedis...
Le monsieur, visiblement gêné :
— ... heu... mais nous sommes mercredi...!
PetitChap, rouge de honte :
— ... ah oui... je suis désolée... C'est donc par là, monsieur...



Une vieille dame avec une canne me demande où elle doit rendre son livre. Je lui indique le chemin, mais elle n'y va pas immédiatement, elle semble hésiter. Je la regarde en souriant, et je lui dit qu'elle peut entrer... Elle va rendre son livre et revient me voir. Elle met sa main devant sa bouche, comme si elle allait me faire une confidence. Et elle me chuchote :
— J'attendais un peu avant d'aller rendre mon livre, parce que le monsieur qui était là et qui vient de sortir, il me cherche...
Soulignons qu'il n'y avait pas de monsieur... ni quand elle est entrée, ni au moment où elle me parle...
— Comment ça, il vous cherche...?
La petite mamie, un sourire coquin aux lèvres :
— Hé ben il me cherche, quoi...! L'autre jour, vous savez pas qu'il m'a demandé si je voulais pas aller prendre un café un lui ?! Non mais, je m'en fout moi, de ce type... et puis j'ai pas besoin d'homme, vous savez !!
PetitChap, bouche bée :
— ...!
Et elle est partie...


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dimanche 19 avril 2009

Ce que disent les fleurs - Suite et fin


Rose rose



Ce que disent les fleurs - suite et fin
(Re)lire la première partie



Et le zéphyr raconta ceci :

- Au temps où les êtres et les choses de l'univers parlaient encore la langue des dieux, j'étais le fils aîné du roi des orages. Mes ailes noires touchaient les deux extrémités des plus vastes horizons, ma chevelure immense s'emmêlait aux nuages. Mon aspect était épouvantable et sublime, j'avais le pouvoir de rassembler les nuées du couchant et de les étendre comme un voile impénétrable entre la terre et le soleil.

Longtemps je régnai avec mon père et mes frères sur la planète inféconde. Notre mission était de détruire et de bouleverser. Mes frères et moi, déchaînés sur tous les points de ce misérable petit monde, nous semblions ne devoir jamais permettre à la vie de paraître sur cette scorie informe que nous appelons aujourd'hui la terre des vivants. J'étais le plus robuste et le plus furieux de tous. Quand le roi mon père était las, il s'étendait sur le sommet des nuées et se reposait sur moi du soin de continuer l'œuvre de l'implacable destruction. Mais, au sein de cette terre, inerte encore, s'agitait un esprit, une divinité puissante, l'esprit de la vie, qui voulait être, et qui, brisant les montagnes, comblant les mers, entassant les poussières, se mit un jour à surgir de toutes parts. Nos efforts redoublèrent et ne servirent qu'à hâter l'éclosion d'une foule d'êtres qui nous échappaient par leur petitesse ou nous résistaient par leur faiblesse même ; d'humbles plantes flexibles, de minces coquillages flottants prenaient place sur la croûte encore tiède de l'écorce terrestre, dans les limons, dans les eaux, dans les détritus de tout genre. Nous roulions en vain les flots furieux sur ces créations ébauchées. La vie naissait et apparaissait sans cesse sous des formes nouvelles, comme si le génie patient et inventif de la création eût résolu d'adapter les organes et les besoins de tous les êtres au milieu tourmenté que nous leur faisions.


Vent


Nous commencions à nous lasser de cette résistance passive en apparence, irréductible en réalité. Nous détruisons des races entières d'êtres vivants, d'autres apparaissaient organisés pour nous subir sans mourir. Nous étions épuisés de rage. Nous nous retirâmes sur le sommet des nuées pour délibérer et demander à notre père des forces nouvelles.

Pendant qu'il nous donnait de nouveaux ordres, la terre un instant délivrée de nos fureurs se couvrit de plantes innombrables où des myriades d'animaux, ingénieusement conformés dans leurs différents types, cherchèrent leur abri et leur nourriture dans d'immenses forêts ou sur les flancs de puissantes montagnes, ainsi que dans les eaux épurées de lacs immenses.

- Allez, nous dit mon père, le roi des orages, voici la terre qui s'est parée comme une fiancée pour épouser le soleil. Mettez-vous entre eux. Entassez les nuées énormes, mugissez, et que votre souffle renverse les forêts, aplanisse les monts et déchaîne les mers. Allez, et ne revenez pas, tant qu'il y aura encore un être vivant, une plante debout sur cette arène maudite où la vie prétend s'établir en dépit de nous.


Vent sur la mer


Nous nous dispersâmes comme une semence de mort sur les deux hémisphères, et moi, fendant comme un aigle le rideau des nuages, je m'abattis sur les antiques contrées de l'extrême Orient, là où de profondes dépressions du haut plateau asiatique s'abaissant vers la mer sous un ciel de feu, font éclore, au sein d'une humidité énergique, les plantes gigantesques et les animaux redoutables. J'étais reposé des fatigues subies, je me sentais doué d'une force incommensurable, j'étais fier d'apporter le désordre et la mort à tous ces faibles qui semblaient me braver. D'un coup d'aile, je rasais toute une contrée ; d'un souffle, j'abattais toute une forêt, et je sentais en moi une joie aveugle, enivrée, la joie d'être plus fort que toutes les forces de la nature.

Tout à coup un parfum passa en moi comme par une aspiration inconnue à mes organes, et, surpris d'une sensation si nouvelle, je m'arrêtai pour m'en rendre compte. Je vis alors pour la première fois un être qui était apparu sur la terre en mon absence, un être frais, délicat, imperceptible, la rose !

Je fondis sur elle pour l'écraser. Elle plia, se coucha sur l'herbe et me dit :

- Prends pitié ! je suis si belle et si douce ! respire-moi, tu m'épargneras.

Je la respirai et une ivresse soudaine abattit ma fureur. Je me couchai sur l'herbe et je m'endormis auprès d'elle.


Arbre dans le vent


Quand je m'éveillai, la rose s'était relevée et se balançait mollement, bercée par mon haleine apaisée.

- Sois mon ami, me dit-elle. Ne me quitte plus. Quand tes ailes terribles sont pliées, je t'aime et te trouve beau. Sans doute tu es le roi de la forêt. Ton souffle adouci est un chant délicieux. Reste avec moi, ou prends-moi avec toi, afin que j'aille voir de plus près le soleil et les nuages.

Je mis la rose dans mon sein et je m'envolai avec elle. Mais bientôt il me sembla qu'elle se flétrissait ; alanguie, elle ne pouvait plus me parler ; son parfum, cependant, continuait à me charmer, et moi, craignant de l'anéantir, je volais doucement, je caressais la cime des arbres, j'évitais le moindre choc. Je remontai ainsi avec précaution jusqu'au palais de nuées sombres où m'attendait mon père.

- Que veux-tu ? me dit-il, et pourquoi as-tu laissé debout cette forêt que je vois encore sur les rivages de l'Inde ? Retourne l'exterminer au plus vite.

- Oui, répondis-je en lui montrant la rose, mais laisse-moi te confier ce trésor que je veux sauver.

- Sauver ! s'écria-t-il en rugissant de colère ; tu veux sauver quelque chose ?

Et, d'un souffle, il arracha de ma main la rose, qui disparut dans l'espace en semant ses pétales flétries.


Pissenlit dans le vent


Je m'élançai pour ressaisir au moins un vestige ; mais le roi, irrité et implacable, me saisit à mon tour, me coucha, la poitrine sur mon genou, et, avec violence, m'arracha mes ailes, dont les plumes allèrent dans l'espace rejoindre les feuilles dispersées de la rose.

- Misérable enfant, me dit-il, tu as connu la pitié, tu n'es plus mon fils. Va-t'en rejoindre sur la terre le funeste esprit de la vie qui me brave, nous verrons s'il fera de toi quelque chose, à présent que, grâce à moi, tu n'es plus rien.

Et, me lançant dans les abîmes du vide, il m'oublia à jamais.

Je roulai jusqu'à la clairière et me trouvai anéanti à côté de la rose, plus riante et plus embaumée que jamais.

- Quel est ce prodige ? Je te croyais morte et je te pleurais. As-tu le don de renaître après la mort ?

- Oui, répondit-elle, comme toutes les créatures que l'esprit de vie féconde. Vois ces boutons qui m'environnent. Ce soir, j'aurai perdu mon éclat et je travaillerai à mon renouvellement, tandis que mes sœurs te charmeront de leur beauté et te verseront les parfums de leur journée de fête. Reste avec nous ; n'es-tu pas notre compagnon et notre ami ?

J'étais si humilié de ma déchéance, que j'arrosais de mes larmes cette terre à laquelle je me sentais à jamais rivé. L'esprit de la vie sentit mes pleurs et s'en émut. Il m'apparut sous la forme d'un ange radieux et me dit :

- Tu as connu la pitié, tu as eu pitié de la rose, je veux avoir pitié de toi. Ton père est puissant, mais je le suis plus que lui, car il peut détruire et, moi, je peux créer.


Pavots dans le vent


En parlant ainsi, l'être brillant me toucha et mon corps devint celui d'un bel enfant avec un visage semblable au coloris de la rose. Des ailes de papillon sortirent de mes épaules et je me mis à voltiger avec délices.

- Reste avec les fleurs, sous le frais abri des forêts, me dit la fée. A présent, ces dômes de verdure te cacheront et te protégeront. Plus tard, quand j'aurai vaincu la rage des éléments, tu pourras parcourir la terre, où tu seras béni par les hommes et chanté par les poètes. - Quant à toi, rose charmante qui, la première as su désarmer la fureur par la beauté, sois le signe de la future réconciliation des forces aujourd'hui ennemies de la nature. Tu seras aussi l'enseignement des races futures, car ces races civilisées voudront faire servir toutes choses à leurs besoins. Mes dons les plus précieux, la grâce, la douceur et la beauté risqueront de leur sembler d'une moindre valeur que la richesse et la force. Apprends-leur, aimable rose, que la plus grande et la plus légitime puissance est celle qui charme et réconcilie. Je te donne ici un titre que les siècles futurs n'oseront pas t'ôter. Je te proclame reine des fleurs ; les royautés que j'institue sont divines et n'ont qu'un moyen d'action, le charme.

Depuis ce jour, j'ai vécu en paix avec le ciel, chéri des hommes, des animaux et des plantes ; ma libre et divine origine me laisse le choix de résider où il me plaît mais je suis trop l'ami de la terre et le serviteur de la vie à laquelle mon souffle bienfaisant contribue, pour quitter cette terre chérie où mon premier et éternel amour me retient. Oui mes chères petites, je suis le fidèle amant de la rose et par conséquent votre frère et votre ami ».


Papillon


- En ce cas, s'écrièrent toutes les petites roses de l'églantier, donne-nous le bal et réjouissons-nous en chantant les louanges de madame la reine, la rose à cent feuilles de l'Orient.

Le zéphyr agita ses jolies ailes et ce fut au-dessus de ma tête une danse effrénée, accompagnée de frôlements de branches et de claquement de feuilles en guise de timbales et de castagnettes : il arriva bien à quelques petites folles de déchirer leur robe de bal et de semer leurs pétales dans mes cheveux ; mais elles n'y firent pas attention et dansèrent de plus belle en chantant :

- Vive la belle rose dont la douceur a vaincu le fils des orages ! vive le bon zéphyr qui est resté l'ami des fleurs !

Quand je racontai à mon précepteur ce que j'avais entendu, il déclara que j'étais malade et qu'il fallait m'administrer un purgatif. Mais ma grand'mère m'en préserva en lui disant :

- Je vous plains si vous n'avez jamais entendu ce que disent les roses. Quant à moi, je regrette le temps où je l'entendais. C'est une faculté de l'enfance. Prenez garde de confondre les facultés avec les maladies !


Fin


George Sand - Contes d'une grand'mère, 1875.


Rose rose


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vendredi 17 avril 2009

J'ai comme envie d'une fin torride...


Mano Negra - Pas assez de toi




En attendant la suite des réjouissances...


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jeudi 16 avril 2009

Le vrai visage de Rouge...


« The Path » - Les six soeurs


Le petit chaperon rouge n'est décidément pas un conte pour les petits enfants... J'en veux pour preuve ce magnifique jeu PC déconseillé aux moins de 16 ans : « The Path ». Le jeu s'inspire du conte de Perrault...

Avant de commencer à jouer, vous devez choisir votre chaperon rouge. Vous avez le choix entre six soeurs, plus ou moins jeunes, avec chacune avec personnalité bien différente. Une fois que votre choix est fait, vous n'avez plus qu'à traverser la forêt pour rejoindre la maison de Mère-Grand. Une seule règle vous est donné : ne pas sortir du sentier... Mais l'histoire du petit chaperon rouge est justement celle d'une jeune fille qui transgresse la règle... Vous pourrez donc suivre le sentier, comme on vous l'a demandé, et arriver saine et sauve chez la mamie... mais vous aurez échoué. Le but est justement de transgresser la règle...


« The Path » - Les six soeurs


Il vous faudra alors sortir du sentier et vous promener dans la forêt jusqu'à rencontrer "votre" loup... Il aura une forme différente suivant la jeune fille avec laquelle vous aurez choisi de jouer. Il ressemblera d'ailleurs à tout sauf à un vrai animal, le loup n'étant qu'une allégorie. Il pourra prendre l'allure d'une tendance suicidaire tout comme celle d'un homme d'âge mûr qui va tenter d'abuser de vous... L'objectif est en réalité d'amener votre chaperon rouge vers une mort inévitable...

Une fois morte, vous vous retrouverez devant la porte de la maison de Mère-Grand, vous entrerez... La visite de la maison sera des plus étranges, ce sera une sorte de plongée dans l'inconscient de la jeune fille...

Aucune scène de violence n'est jamais montrée, elle est toujours suggérée... donc bien plus effrayante. Glauque et oppressant à souhait, semble-t-il ! Gniééé !!

Vous ajoutez à tout ça un graphisme qui tue sa race (oh la belle expression...) et une musique bien angoissante, et je vais vous dire : j'ai bien envie de me laisser tenter par l'expérience... Mais bon, je vais d'abord attendre que l'un d'entre vous se lance et me donne son avis...




Pour plus d'infos :

...Et on dit tous merci à elgJyn pour cette belle découverte... Merci elgJyn !!


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mardi 14 avril 2009

Quand Lost me rend mono-maniaque...


Lost - Jack, Kate et John Locke


Je ne peux plus rien faire d'autre, je ne peux plus penser à autre chose... Voilà deux ou trois jours que je suis redevenue mono-obsédée... Et ma mono-obsession porte le doux nom de... Lost - saison 5 !

« Pour la déconne », je me suis refait l'intégralité de la saison 4 en deux jours seulement, histoire d'aborder dans les meilleures conditions possible cette saison 5 tant attendue... Oui, je sais, mon attitude relève quasiment de la psychiatrie... et alors ?!

En me baladant sur Internet, j'ai trouvé un semblant de présentation. Ca vaut ce que ça vaut... :
« Secourus, Jack, Kate, Hurley, Sayid, Sun et le fils de Claire, Aaron - également connus sous l’appellation des Oceanic Six - tentent de reconstruire leur vie, celles qu’ils avaient avant le crash. Ils perpétuent le mensonge concocté pour cacher ce qu’il leur est réellement arrivé. Mais Jack et Ben doivent convaincre les autres de la nécessité de retourner sur l’île pour sauver ceux qu’ils ont laissés derrière. Ce sera un véritable tour de force avec Jack qui doit combattre ses penchants, Kate qui ne veut lui parler, Hurley enfermé dans un institut psychiatrique, Sayid devenu un assassin, et Sun reprochant à Jack la mort de Jin. Ils ont également la responsabilité d’emmener avec eux le corps de Jeremy Bentham, alias John Locke, sur l’île pour rétablir la situation. Autre difficulté à surmonter est de localiser le nouvel emplacement de l’île… déplacée aussi bien géographiquement que dans le temps ! Quant aux survivants restés sur l’île, ils devront faire face à une série d’événements surprenants qui conduiront à l’inévitable mort de Locke. »

Lost - Saison 5


Que vous dire sur cette nouvelle saison sinon qu'elle est énooooooormeuh... Rhâaa, je connais une tavernière à qui tout ça va plaire ! Les 6 rescapés tentent de reprendre une vie normale, mais ils vivent perpétuellement dans le mensonge. Ils n'ont quasiment plus aucun contact les uns avec les autres... sauf Kate et Jack, of course. Le problème est que le mensonge est lourd, très lourd à porter... Pour ceux qui sont restés sur l'île, rien ne va plus. Ils sont pris dans une sorte de tourbillon temporel que leurs organismes ont de plus en plus de mal à supporter. Locke pense que ces "flashs" s'arrêteront qu'à une seule condition : les six rescapés doivent revenir sur l'île... Il part donc les chercher...

Alors oui, avec ces boucles spacio-temporelles, la série plonge de plus en plus vers la science-fiction, mais qu'importe. Elle est super addictive... Les questions fusent dix fois plus vite que ce que n'arrivent les réponses... Pour une réponse, vous avez trois questions supplémentaires... C'est intenable... Je suis carrément accro...

Allez, j'y retourne...


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dimanche 12 avril 2009

Ce que disent les fleurs


Coquelicots


... On renoue avec les petits contes... Cette semaine, je vous propose la première partie d'un conte écrit par George Sand. Je publierai la deuxième et dernière partie dimanche prochain...


Ce que disent les Fleurs

Quand j'étais enfant, ma chère Aurore, j'étais très tourmentée de ne pouvoir saisir ce que les fleurs se disaient entre elles. Mon professeur de botanique m'assurait qu'elles ne disaient rien ; soit qu'il fût sourd, soit qu'il ne voulût pas me dire la vérité, il jurait qu'elles ne disaient rien du tout.

Je savais bien le contraire. Je les entendais babiller confusément, surtout à la rosée du soir ; mais elles parlaient trop bas pour que je pusse distinguer leurs paroles ; et puis elles étaient méfiantes, et, quand je passais près des plates-bandes du jardin ou sur le sentier du pré, elles s'avertissaient par une espèce de psitt, qui courait de l'une à l'autre. C'était comme si l'on eût dit sur toute la ligne : « Attention, taisons-nous ! voilà l'enfant curieux qui nous écoute ».

Je m'y obstinai. Je m'exerçai à marcher si doucement, sans frôler le plus petit brin d'herbe, qu'elles ne m'entendirent plus et que je pus m'avancer tout près, tout près ; alors, en me baissant sous l'ombre des arbres pour qu'elles ne vissent pas la mienne, je saisis enfin des paroles articulées.

Il fallait beaucoup d'attention ; c'était de si petites voix, si douces, si fines, que la moindre brise les emportait et que le bourdonnement des sphinx et des noctuelles les couvrait absolument.


Marguerites


Je ne sais pas quelle langue elles parlaient. Ce n'était ni le français, ni le latin qu'on m'apprenait alors ; mais il se trouva que je comprenais fort bien. Il me sembla même que je comprenais mieux ce langage que tout ce que j'avais entendu jusqu'alors.

Un soir, je réussis à me coucher sur le sable et à ne plus rien perdre de ce qui se disait auprès de moi dans un coin bien abrité du parterre. Comme tout le monde parlait dans tout le jardin, il ne fallait pas s'amuser à vouloir surprendre plus d'un secret en une fois. Je me tins donc là bien tranquille, et voici ce que j'entendis dans les coquelicots :

- Mesdames et messieurs, il est temps d'en finir avec cette platitude. Toutes les plantes sont également nobles ; notre famille ne le cède à aucune autre, et, accepte qui voudra la royauté de la rose, je déclare que j'en ai assez et que je ne reconnais à personne le droit de se dire mieux né et plus titré que moi.

A quoi les marguerites répondirent toutes ensemble que l'orateur coquelicot avait raison. Une d'elles, qui était plus grande que les autres et fort belle, demanda la parole et dit :


Alouette vivace


- Je n'ai jamais compris les grands airs que prend la famille des roses. En quoi, je vous le demande, une rose est-elle plus jolie et mieux faite que moi ? La nature et l'art se sont entendus pour multiplier le nombre de nos pétales et l'éclat de nos couleurs. Nous sommes même beaucoup plus riches, car la plus belle rose n'a guère plus de deux cents pétales et nous en avons jusqu'à cinq cents. Quant aux couleurs, nous avons le violet et presque le bleu pur que la rose ne trouvera jamais.

- Moi, dit un grand pied d'alouette vivace, moi le prince Delphinium, j'ai l'azur des cieux dans ma corolle, et mes nombreux parents ont toutes les nuances du rose. La prétendue reine des fleurs a donc beaucoup à nous envier, et, quant à son parfum si vanté...

- Ne parlez pas de cela, reprit vivement le coquelicot. Les hâbleries du parfum me portent sur les nerfs. Qu'est-ce, je vous prie, que le parfum ? Une convention établie par les jardiniers et les papillons. Moi, je trouve que la rose sent mauvais et que c'est moi qui embaume.

- Nous ne sentons rien, dit la marguerite, et je crois que par là nous faisons preuve de tenue et de bon goût. Les odeurs sont des indiscrétions ou des vanteries. Une plante qui se respecte ne s'annonce point par des émanations. Sa beauté doit lui suffire.

- Je ne suis pas de votre avis, s'écria un gros pavot qui sentait très fort. Les odeurs annoncent l'esprit et la santé.


Oeillets


Les rires couvrirent la voix du gros pavot. Les oeillets s'en tenaient les côtes et les résédas se pâmaient. Mais, au lieu de se fâcher, il se remit à critiquer la forme et la couleur de la rose qui ne pouvait répondre ; tous les rosiers venaient d'être taillés et les pousses remontantes n'avaient encore que de petits boutons bien serrés dans leurs langes verts. Une pensée fort richement vêtue critiqua amèrement les fleurs doubles, et, comme celles-ci étaient en majorité dans le parterre, on commença à se fâcher. Mais il y avait tant de jalousie contre la rose, qu'on se réconcilia pour la railler et la dénigrer. La pensée eut même du succès quand elle compara la rose à un gros chou pommé, donnant la préférence à celui-ci à cause de sa taille et de son utilité. Les sottises que j'entendais m'exaspérèrent et, tout à coup, parlant leur langue :

- Taisez-vous, m'écriai-je en donnant un coup de pied à ces sottes fleurs. Vous ne dites rien qui vaille. Moi qui m'imaginais entendre ici des merveilles de poésie, quelle déception vous me causez avec vos rivalités, vos vanités et votre basse envie !

Il se fit un profond silence et je sortis du parterre.

- Voyons donc, me disais-je, si les plantes rustiques ont plus de bon sens que ces péronnelles cultivées, qui en recevant de nous une beauté d'emprunt, semblent avoir pris nos préjugés et nos travers.


Pavot


Je me glissai dans l'ombre de la haie touffue, me dirigeant vers la prairie ; je voulais savoir si les spirées qu'on appelle reine des prés avaient aussi de l'orgueil et de l'envie. Mais je m'arrêtai auprès d'un grand églantier dont toutes les fleurs parlaient ensemble.

- Tâchons de savoir, pensai-je, si la rose sauvage dénigre la rose à cent feuilles et méprise la rose pompon.

Il faut vous dire que, dans mon enfance, on n'avait pas créé toutes ces variétés de roses que les jardiniers savants ont réussi à produire depuis, par la greffe et les semis. La nature n'en était pas plus pauvre pour cela. Nos buissons étaient remplis de variétés nombreuses de roses à l'état rustique : la canina, ainsi nommée parce qu'on la croyait un remède contre la morsure des chiens enragés ; la rose canelle, la musquée, la rubiginosa ou rouillée, qui est une des plus jolies ; la rose pimprenelle, la tomentosa ou cotonneuse, la rose alpine, etc., etc. Puis, dans les jardins nous avions des espèces charmantes à peu près perdues aujourd'hui, une panachée rouge et blanc qui n'était pas très fournie en pétales, mais qui montrait sa couronne d'étamines d'un beau jaune vif et qui avait le parfum de la bergamotte. Elle était rustique au possible, ne craignant ni les étés secs ni les hivers rudes ; la rose pompon, grand et petit modèle, qui est devenue excessivement rare ; la petite rose de mai, la plus précoce et peut-être la plus parfumée de toutes, qu'on demanderait en vain aujourd'hui dans le commerce, la rose de Damas ou de Provins que nous savions utiliser et qu'on est obligé, à présent, de demander au midi de la France ; enfin, la rose à cent feuilles ou, pour mieux dire, à cent pétales, dont la patrie est inconnue et que l'on attribue généralement à la culture.


Pensées


C'est cette rose centifolia qui était alors, pour moi comme pour tout le monde, l'idéal de la rose, et je n'étais pas persuadée, comme l'était mon précepteur, qu'elle fût un monstre dû à la science des jardiniers. Je lisais dans mes poètes que la rose était de toute antiquité le type de la beauté et du parfum. A coup sûr, ils ne connaissaient pas nos roses thé qui ne sentent plus la rose, et toutes ces variétés charmantes qui, de nos jours, ont diversifié à l'infini, mais en l'altérant essentiellement, le vrai type de la rose. On m'enseignait alors la botanique. Je n'y mordais qu'à ma façon. J'avais l'odorat fin et je voulais que le parfum fût un des caractères essentiels de la plante ; mon professeur, qui prenait du tabac, ne m'accordait pas ce critérium de classification. Il ne sentait plus que le tabac, et, quand il flairait une autre plante, il lui communiquait des propriétés sternutatoires tout à fait avilissantes. J'écoutai donc de toutes mes oreilles ce que disaient les églantiers au-dessus de ma tête, car, dès les premiers mots que je pus saisir, je vis qu'ils parlaient des origines de la rose.

- Reste ici, doux zéphyr, disaient-ils, nous sommes fleuris. Les belles roses du parterre dorment encore dans leurs boutons verts. Vois, nous sommes fraîches et riantes, et, si tu nous berces un peu, nous allons répandre des parfums aussi suaves que ceux de notre illustre reine.


Églantier


J'entendis alors le zéphyr qui disait :

- Taisez-vous, vous n'êtes que des enfants du Nord. Je veux bien causer un instant avec vous, mais n'ayez pas l'orgueil de vous égaler à la reine des fleurs.

- Cher zéphyr, nous la respectons et nous l'adorons, répondirent les fleurs de l'églantier ; nous savons comme les autres fleurs du jardin en sont jalouses. Elles prétendent qu'elle n'est rien de plus que nous, qu'elle est fille de l'églantier et ne doit sa beauté qu'à la greffe et à la culture. Nous sommes des ignorantes et ne savons pas répondre. Dis-nous, toi qui es plus ancien que nous sur la terre, si tu connais la véritable origine de la rose.

- Je vous la dirai, car c'est ma propre histoire ; écoutez-la, et ne l'oubliez jamais.


Rose


... la suite et la fin du conte la semaine prochaine...




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jeudi 9 avril 2009

Tu t'écoutes quand tu parles ?!




Être au quotidien face au public n'est pas toujours chose aisée... C'est certainement enrichissant et très chouette... mais c'est franchement usant. Le brouhaha permanent, les mêmes questions qui reviennent en permanence, les mêmes gestes, les mêmes têtes... Régulièrement, j'ai envie de leur hurler à la gueule « Mais bordel, barrez-vous !! Vous n'avez rien de mieux à faire ?! Vous n'avez pas de maison, ou bien ?! ».... mais bon... il parait que ça ne se fait pas...

On se surprend alors à parler sans s'écouter, machinalement... « Bonjour, je voudrais m'inscrire... comment je dois faire ?! » Et la réponse est invariablement la même... alors on la récite. Je me surprends régulièrement à dire des choses que je n'écoute plus. Alors, pour me forcer à m'écouter, j'essaie de changer un mot, une intonation... J'essaie de parler plus lentement, de changer de rythme... Et ça me fait sourire, immanquablement...

Et puis il m'arrive aussi de répondre tout à fait à côté de ce qui m'est dit, par réflexe. Je suis tellement habituée à répondre « Je vous en prie » à un « Merci ! », que je sors cette pseudo formule de politesse en permanence, même lorsque l'on me sort un « Au revoir ! »... la loose...!

Mais le must de ces réflexes sont les phrases toutes faites, celles qui sortent systématiquement sans qu'elles puissent être retenues... Les phrases que les gens pensent spontanées et faites pour eux, mais qui sont dites à tout le monde dans une même situation... Ce qui est drôle, c'est de les déceler avant même qu'elles ne soient dites. Mes collègues sont championnes à ce petit jeu... Lorsqu'elles sentent la situation propice, elles me fixent avec l'oeil qui frise et attendent que la phrase surgisse... Et je n'arrive pas à la retenir. Exemple :
— Oh, je ramène mes documents avec quelques jours de retard... Je suis désolé(e)...
Je sors alors mon regard gentillet, mon sourire en coin, et je réponds, invariablement :
— Rhôooo... ben on va être obligé de vous tirer les oreilles, hein...!
Ce qui ne manque pas de dérider les petits fautifs...

Mais la petite phrase préférée de mes collègues, celle qui me vaut le plus de railleries de leur part, est celle faite pour les gens qui se trompent un peu de chemin et qui passent dans des endroits non-accessibles au public. PetitChap regarde alors les « fautifs » avec ses yeux faussement grondeurs :
— Excusez-moi... Vous n'avez pas le droit de circuler ici. C'est un espace professionnel...
Et je ne manque pas d'ajouter, l'oeil taquin :
— La prochaine fois qu'on vous voit dans cet espace, on vous embauche !!
Oh la bonne vanne... Et là encore, ça ne manque pas de faire rire les « fautifs »... et les collègues !

C'est terrible quand même, cette capacité à parler sans s'écouter... Et en ce moment, c'est très récurrent... Je crois que je suis un peu fatiguée... J'ai terriblement besoin de vacances...

Quand je vous dis que j'ai une vie fascinante...


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mardi 7 avril 2009

Les femmes qui lisent sont dangereuses - 3



Elliott Erwitt - Marilyn Monroe, 1955


PROJET

D'UNE

LOI

PORTANT DÉFENSE

D'APPRENDRE À LIRE AUX FEMMES

Par S**-M***



À PARIS,

Chez MASSE, Éditeur, rue Helvétius, nº. 580.




AN IX. 1801.








TEXTE DE LA LOI.

EN CONSEQUENCE:


I.

La Raison veut (dut-elle passer pour Vandale) que les femmes (filles, mariées ou veuves) ne mettent jamais le nez dans un livre, jamais la main à la plume.

II.

La Raison veut:
À l'homme, — l'épée et la plume.
À la femme, — l'aiguille et le fuseau.
À l'homme, — la massue d'Hercule.
À la femme, — la quenouille d'Omphale.
À l'homme, — les productions du génie.
À la femme, — les sentimens du cœur.

III.

La Raison veut que chaque sexe soit à sa place, et s'y tienne.

Les choses vont mal, quand les deux sexes empiettent l'un sur l'autre.

La lune et le soleil ne luisent point ensemble.

S...

IV.

La Raison ne veut pas plus que la langue française, qu'une femme soit auteur: ce titre, sous toutes ses acceptions, est le propre de l'homme seul.

V.

La Raison veut que les sexes diffèrent de talens comme d'habits.

Il est aussi révoltant et scandaleux de voir un homme coudre, que de voir une femme écrire; de voir un homme tresser des cheveux, que de voir une femme tourner des phrases.....

VI.

La Raison maintient ce vieux Proverbe:

«Les paroles sont des femelles, les écrits sont des mâles.»

En ce qu'il semble faire les parts et assigner à chacun des deux sexes le talent qui lui convient.

N. B. Toute la sagesse des nations est dans leurs proverbes.



Joan Bennett reading a book, 1932 --- Image by © Bettmann/CORBIS


VII.

La Raison veut que l'on dispense les
femmes d'apprendre — à lire,
——————————— à écrire,
——————————— à imprimer,
——————————— à graver,
——————————— à scander,
——————————— à solfier,
——————————— à peindre, etc.

Quand elles savent un peu de tout cela, c'est trop ordinairement aux dépens de la science du ménage.

VIII.

La Raison veut donc que la plume à écrire et le pinceau, le crayon et le burin, soient interdits à la main des femmes; l'aiguille à coudre et le fuseau, à la main des hommes.

IX.

La Raison veut que dans les arts du dessin, de la peinture et de la gravure, les femmes ne perdent pas le tems à porter leurs prétentions au-delà de celles de la sensible Dibutade.

Cette jeune beauté de Sycione traça sur la muraille, à la lueur d'une lampe, le pourtour de l'ombre de son jeune ami, obligé de faire un long voyage.

(V. l'Hist. Nat. de Pline, XXXV, 12.)

X.

La Raison et la décence n'approuvent point du tout que de jeunes dessinatrices passent des journées entières à contempler et à copier les belles proportions de l'Apollon du Louvre, ou du Lantin, ou de l'Hercule Farnèse.... etc.

Périssent tous les arts, plutôt que la pudeur!

S....

XI.

La Raison veut que les femmes, dans leurs loisirs, apprennent naturellement à chanter, sans livres et sans maîtres; mais qu'elles ignorent toute leur vie combien il y a de notes dans la musique, de lettres dans l'alphabet, de syllabes dans un vers alexandrin ou pentamètre.

Les femmes sont nées pour être aimables et vertueuses, et non pour devenir des virtuoses et des savantes.

XII.

La Raison veut que les maris soient les seuls livres de leurs femmes; livres vivans, où nuit et jour, elles doivent apprendre à lire leurs destinées.

«Il serait bienséant et honorable (dit un vieux livre) d'ouir une femme qui dirait à son mari: mon ami, tu es mon précepteur, mon maître de philosophie.... etc.»

(Institution de l'homme, 1626. p. 441. in-8º.)

N. B. Une femme bel-esprit et auteur de cinq à six gros livres, vint rendre visite à une mère de trois filles et de trois garçons:

«Voici, dit la mère de famille, (en présentant ses enfans et leur père à la dame-auteur) voici mes productions et ma bibliothèque.»

XIII.

La Raison veut que les femmes sachent leur langue maternelle, seulement:

«C'est une vanité aux femmes (a dit quelqu'un) de parler une langue étrangère.»

(Lettre à une demoiselle., p. 149, in-12. 1737.)



Woman reading on top of ladder, 1920
Image by © Bettmann/CORBIS


XIV.

La Raison veut que l'on fasse grace aux femmes de l'étude aride et sèche de la grammaire; les femmes étant destinées à des occupations plus agréables et moins stériles.

XV.

La Raison veut aussi que l'on dispense les femmes des élémens non moins ingrats de la géographie et de l'histoire; leur mémoire fragile porte mal le fardeau des dates et d'une lourde nomenclature.

Quel inconvénient, d'ailleurs, à ce que les femmes fassent des anachronismes?

XVI.

La Raison veut que les femmes n'apprennent point à lire aux astres: qu'elles comptent les œufs de la basse-cour, et non les étoiles du firmament!

XVII.

La Raison veut que l'on interdise aux femmes la botanique par principes: qu'elles se bornent à la connaissance des plantes potagères et de quelques simples!

XVIII.

La Raison n'approuve pas les femmes qui assistent aux leçons de la chymie: les cuisinières qui ne savent pas lire, sont celles qui font la meilleure soupe.

N. B. Le législateur des femmes espère qu'on lui pardonnera ces menus détails. L'utile avant tout.

«Rien n'est vil dans l'intérieur du domestique, pour une femme sage,» dit un poëte de la Chine.

(V. Mém. Chin. T. IV. p. 179. in-4º.)

XIX.

La Raison souffre de voir les femmes grossir le troupeau des gens de lettres; elles ont assez déjà des infirmités attachées à leur sexe, sans s'exposer encore à celles de cette profession.



Marilyn Monroe at the Ambassador Hotel reading a book on acting, 1955
Image by © Michael Ochs Archives/Corbis


XX.

La Raison veut que le médecin d'une femme de lettres lui ordonne, avant tout, de poser la plume et de renoncer aux livres, à tout jamais.

La nièce de Descartes mourut de la pierre, causée par son obstination à l'étude.

Or, le plus beau livre ne vaut pas une femme saine de corps et d'ame.

XXI.

La Raison veut que l'on dise toujours les trois Graces, mais que l'on ne dise plus les neuf Muses; mythologie injurieuse au sexe, puisqu'elle tend à faire croire que sur douze femmes, on en compte neuf de pédantes, sur trois seulement d'aimables.

«Le goût des lettres chez les femmes, (dit Thomas) a été regardé comme une sorte de pédantisme.»

(Essai sur les Femmes.)

XXII.

La Raison déclare qu'une mère de famille n'a pas besoin de savoir lire, pour bien élever ses filles.

XXIII.

La Raison et la décence veulent qu'une fille reçoive des leçons de sa mère seulement.

L'éducation du sexe n'eut d'abord (dans le tems que Rome était vertueuse) pour objet, que l'économie intérieure de la maison, et les ouvrages que les mères apprenaient elles-mêmes à leurs filles.

(Habitudes et mœurs privées des Romains, in-8º. p. 275 et 276.)

XXIV.

La Raison n'approuve pas ces maisons d'éducation pour les jeunes demoiselles, où on leur apprend tout, excepté la seule chose qu'elles doivent connaître, la science du ménage.

La belle éducation donnée à S.-Cyr aux jeunes filles nobles et pauvres, en faisait des femmes pédantes et hautaines.

XXV.

Il n'y aura plus de maîtresses d'école.*

*N. B. Ceci est emprunté à la 984e. des loix; de Pythagore.

«Ne permettez point à une femme de parler en public, d'ouvrir école, de fonder une secte ou un culte. Une femme en public est toujours déplacée.»

(T. VI. des Voyages de Pythagore.)

Cette qualification a quelque chose de pédantesque.

XXVI.

Les femmes lettrées, artistes, virtuoses,... etc., ne feront plus d'élèves.



André Kertész - Hospice de Beaune, 1929


XXVII.

La Raison veut que lorsqu'on s'occupera d'une loi sur l'adoption, on se donne de garde d'en accorder l'usage aux femmes lettrées, virtuoses,..... etc.

XXVIII.

La Raison veut que toute fille de bonne maison, avant d'obtenir un mari, fasse preuve de talens utiles.

XXVIX.

La Raison veut qu'une jeune vierge, instruite par sa mère aux seules vertus privées, aux seuls détails du ménage, et bien pénétrée de l'amour de ses devoirs et du travail, soit dispensée d'avoir une dot pour avoir un mari.

XXX.

La Raison ne conseille à personne de choisir pour épouse et compagne la fille d'une femme lettrée.

XXXI.

La Raison veut que les épousées ne devant point savoir lire, et par conséquent ne pouvant signer leur contrat de mariage, on se contente de leur consentement verbal devant le magistrat et les témoins.

Une femme bien née ou bien élevée, doit être crue sur sa parole.

XXXII.

La Raison veut que l'on grave sur le frontispice des salles de mariage, l'apophthegme suivant:

Demande.

Quel est l'homme le plus heureux?

Réponse.

L'homme le plus heureux, c'est le mari d'une femme sage sans livres.



Girls sunbathing with paper bags on heads, 1963 --- Image by © Bettmann/CORBIS


XXXIII.

La Raison recommande aux époux ce proverbe Chinois:

«Cultiver la vertu est la science des hommes; renoncer à la science est la vertu des femmes.»

(Mémoires sur la Chine. T. IV, in-4º. p. 148.)

XXXIV.

La Raison veut que la sur-veille des nôces, le meilleur ami ou le plus proche parent d'un épouseur, lui répète par trois fois les paroles suivantes, qu'Euripide met dans la bouche du jeune Hyppolite; et que le trop galant Racine s'est bien gardé de nous transmettre:

«...Heureux l'époux qui ne voit en sa maison qu'une femme simple! car le comble du malheur, c'est une femme bel-esprit. Me préservent les Dieux d'une épouse qui sait plus qu'elle ne doit savoir!...»

(Act. III. Scène 2. Phèdre et Hyppolite.)

N. B. Phèdre se piquait de bel-esprit, voire même de philosophie; Phèdre!...

XXXV.

La Raison veut que dans le cérémonial du mariage chez les modernes, on imagine quelqu'incident du genre de celui-ci pratiqué par les anciens:

En Béotie, les nouvelles mariées étaient conduites avec pompe à la maison de leur époux, montées sur un char dont on brûlait l'essieu à la porte, afin de leur faire entendre qu'elles n'en devaient plus sortir.

XXXVI.

Dans Rome ancienne, quand une nouvelle mariée posait le pied sur le seuil de la maison maritale, on lui demandait:

Que savez-vous?

Elle ne répondait pas: je sais lire, je sais écrire, je sais peindre, etc.

Elle disait simplement, Je sais filer.

La Raison veut que l'on renouvelle cet ancien usage.

Les bons usages ne devraient jamais passer de mode.

XXXVII.

La Raison invite à compulser le greffe des tribunaux civils et criminels; on y verra dans le nombre des épouses divorcées beaucoup plus de femmes de lettres, virtuoses,.... etc., à proportion que d'autres.

Est-ce pour éviter ce scandale que les neuf Muses gardent le célibat?

XXXVIII.

La Raison veut qu'une femme soit aussi réservée à montrer en public les trésors de son esprit, que les charmes secrets de sa beauté.

XXXIX.

La Raison veut que, pour donner l'exemple, les épouses de nos premiers Magistrats, Sénateurs, Tribuns, Juges, Généraux, etc. aux thés, aux cercles, aux conversations et autres assemblées oiseuses, substituent chez elles des veillées laborieuses et utiles, où on les verrait avec édification, mettre elles-mêmes la main aux vêtemens de leurs augustes époux.

Andromaque et Pénélope, femmes de deux héros, ne dédaignaient pas de présider à tous les détails domestiques.



Theodore Miller - Lee Miller et Tanja Ramm





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dimanche 5 avril 2009

...sur un petit air...




L'accordéoniste

La fille de joie est belle
Au coin d'la rue là-bas
Elle a une clientèle
Qui lui remplit son bas
Quand son boulot s'achève
Elle s'en va à son tour
Chercher un peu de rêve
Dans un bal du faubourg
Son homme est un artiste
C'est un drôle de petit gars
Un accordéoniste
Qui sait jouer la java
Elle écoute la java
Mais elle ne la danse pas
Elle ne regarde même pas la piste
Et ses yeux amoureux
Suivent le jeu nerveux
Et les doigts secs et longs de l'artiste
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de chanter
C'est physique
Tout son être est tendu
Son souffle est suspendu
C'est une vraie tordue de la musique

La fille de joie est triste
Au coin de la rue là-bas
Son accordéoniste
Il est parti soldat
Quand y reviendra de la guerre
Ils prendront une maison
Elle sera la caissière
Et lui, sera le patron
Que la vie sera belle
Ils seront de vrais pachas
Et tous les soirs pour elle
Il jouera la java

Elle écoute la java
Qu'elle fredonne tout bas
Elle revoit son accordéoniste
Et ses yeux amoureux
Suivent le jeu nerveux
Et les doigts secs et longs de l'artiste
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de chanter
C'est physique
Tout son être est tendu
Son souffle est suspendu
C'est une vraie tordue de la musique

La fille de joie est seule
Au coin de la rue là-bas
Les filles qui font la gueule
Les hommes n'en veulent pas
Et tant pis si elle crève
Son homme ne reviendra plus
Adieux tous les beaux rêves
Sa vie, elle est foutue
Pourtant ses jambes tristes
L'emmènent au boui-boui
Où y a un autre artiste
Qui joue toute la nuit

Elle écoute la java...
... elle entend la java
... elle a fermé les yeux
... et les doigts secs et nerveux ...
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de gueuler
C'est physique
Alors pour oublier
Elle s'est mise à danser, à tourner
Au son de la musique...

...
ARRÊTEZ !
Arrêtez la musique ! ...


Paroles : Michel Emer - Interprétation : Édith Piaf
© S.E.M.I., 1942


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