mardi 24 février 2009

Les femmes qui lisent sont dangereuses - 1



Alexander Deineka - Jeune femme au livre, 1934


PROJET

D'UNE

LOI

PORTANT DÉFENSE

D'APPRENDRE À LIRE AUX FEMMES

Par S**-M***



À PARIS,

Chez MASSE, Éditeur, rue Helvétius, nº. 580.




AN IX. 1801.




AUX CHEFS DE MAISON,
AUX PÈRES DE FAMILLE,
ET AUX MARIS.

Qui plus que vous doit sentir la nécessité et l'urgence de la Loi dont le Projet vous est adressé, et soumis à votre prudence? Les bons ménages deviennent rares; et c'est vous, les premiers, qui portez la peine des préjugés et des abus qui ont envahi l'éducation des femmes.

Vous tiendrez donc la main à ce Règlement ; il vous intéresse plus peut-être encore que les femmes qui en sont l'objet principal.

Les puissances mâles et femelles du Bas-Empire de la Littérature, vont s'agiter à la promulgation de la présente Loi. On prononcera malédiction sur le Législateur indiscret et téméraire. Déjà en butte aux prêtres, comment n'a-t-il pas craint de leur donner les femmes de lettres pour auxiliaires? La coalition des femmes de lettres et des prêtres, est une rude chose; mais que pourra-t-elle si les bons esprits, si les têtes saines opposent leur égide, et placent cette Loi sous le bouclier de la raison?

Les bonnes mères de famille, les excellentes femmes de ménage, les épouses sensibles, les jeunes filles naïves et toutes naturelles, vengées enfin du méprisant abandon où on les reléguait, sauront peut-être quelque gré au Rédacteur de cette Loi, et rendront justice à la pureté de ses intentions.

Nous ne sommes point dupes (s'écrieront quelques flatteurs des femmes) des ménagemens qu'on prend ici pour faire entendre que les deux sexes ne doivent pas être rangés précisément sur la même ligne, dans la grande échelle des êtres, et qu'il faut placer un sexe au-dessous de l'autre.

Il faut répondre: ce n'est point là du tout la pensée du Législateur des femmes. Dans le plan qu'il s'est tracé de la nature, il n'y a pas un seul être inférieur à un autre. Toutes les productions sorties de ses mains sont autant de chef-d'œuvres; et parmi une infinité de chef-d'œuvres, il seroit absurde d'établir ou de supposer des préférences.

Les deux sexes sont parfaitement égaux; c'est-à-dire, aussi parfaits l'un que l'autre, dans ce qui les constitue. Rien dans la nature n'est comparable à un bel homme, qu'une belle femme.

Ajoutons pour finir: il n'y a rien de plus laid au monde qu'un homme singeant la femme, si ce n'est une femme singeant l'homme.

Ce Projet de Loi ne pouvait paraître plus à propos, qu'au moment où l'on s'occupe de l'organisation définitive des études.

Vous remarquerez que dans son rapport, si estimable, sur l'Instruction publique, Chaptal garde le plus profond silence touchant les femmes; il ne leur suppose aucunement la nécessité d'apprendre à lire, à écrire, etc. Partagerait-il l'opinion que leur esprit naturel n'a pas besoin de culture?



Nota. Celles d'entre les femmes qui prendront à cœur ce projet de Loi, pourront se permettre les réclamations, et sont invitées à les adresser au Rédacteur : il s'empressera d'y faire droit, autant que possible.

Mais il prévient qu'il ne répondra aux injures, que par son silence accoutumé: des injures ne sont point des raisons.



AUX FEMMES.

Si l'on vous interdit l'arbre de la science,
Conservez sans regret votre douce ignorance,
Gardienne des vertus, et mère des plaisirs;
À des jeux innocens consacrez vos loisirs, etc.

S.




Peter Ilsted - Intérieur avec une jeune fille en train de lire, 1908


PROJET

D'UNE LOI,

Portant défense d'apprendre à lire aux Femmes.


MOTIFS DE LA LOI.


Considérant :

1º. Que l'amour honnête, le chaste hymen, la tendresse maternelle, la piété filiale, la reconnaissance des bienfaits... etc., sont antérieurs à l'invention de l'alphabet et de l'écriture, et à l'étude des langues; ont subsisté, et peuvent encore subsister sans elles.

Considérant :

2º. Les inconvéniens graves qui résultent pour les deux sexes, de ce que les femmes sachent lire.

Considérant :

3º. Qu'apprendre à lire aux femmes est un hors-d'œuvre, nuisible à leur éducation naturelle: c'est un luxe dont l'effet fut presque toujours l'altération et la ruine des mœurs.

Considérant :

4º. Que cette fleur d'innocence qui caractérise une vierge, commence à perdre de son velouté, de sa fraîcheur, du moment que l'art et la science y touchent, du moment qu'un maître en approche. La première leçon que reçoit une jeune fille est le premier pas qu'on l'oblige à faire pour s'éloigner de la nature.

Considérant :

5º. Que l'intention de la bonne et sage nature a été que les femmes exclusivement occupées des soins domestiques, s'honoreraient de tenir dans leurs mains, non pas un livre ou une plume, mais bien une quenouille ou un fuseau.

Considérant :

6º. Combien une femme qui ne sait pas lire est réservée dans ses propos, pudibonde dans ses manières, parcimonieuse en paroles, timide et modeste hors de chez elle, égale et indulgente.... Combien, au contraire, celle qui sait lire et écrire a de penchant à la médisance, à l'amour propre, au dédain de tous ceux et de toutes celles qui en savent un peu moins.....

Considérant :

7º. Combien il est dangereux de cultiver l'esprit des femmes, d'après la Réflexion morale de la Rochefoucault qui les connaissait si bien: «L'esprit de la plupart des femmes sert plus à fortifier leur folie que leur raison.»

Considérant :

8º. Que la nature elle-même, en pourvoyant les femmes d'une prodigieuse aptitude à parler, semble avoir voulu leur épargner le soin d'apprendre à lire, à écrire.



Félix Vallotton, La Liseuse, 1922


Considérant :

9º. Que le joli babil des femmes dédommagera avec usure de l'absence de leur style.

Considérant :

10º. «Que chaque sexe a son rôle. Celui de l'homme étant d'instruire et de protéger, suppose une organisation forte dans toutes ses parties. Le rôle de la femme doit être bien moins prononcé. Douceur et sensibilité en sont les deux principaux caractères. Tous ses droits, tous ses devoirs, tous ses talens se bornent là, et ce lot vaut peut-être bien l'autre.»
(Galerie des Femmes célèbres, in-4º.)

Considérant :

11º. «Que la société civile, dans la distribution de ses rôles, n'en a donné qu'un passif aux femmes. Leur empire a pour limites le seuil de la maison paternelle ou maritale. C'est là qu'elles règnent véritablement. C'est là que, par leurs soins journaliers, elles dédommagent les hommes des travaux et des peines qu'ils endurent hors de leurs foyers. Compagnes tendres et soumises, les femmes ne doivent prendre d'autre ascendant que celui des graces et des vertus privées; et ce plan de conduite, conforme à la nature, a constamment rendu heureuses celles qui ont eu le bon esprit de ne pas porter leurs vues plus haut. La félicité du genre humain repose, toute, sur les mœurs domestiques.»
(Galerie des Femmes célèbres, in-4.º)

Considérant :

12º. Que les hommages que le premier sexe s'est fait une douce habitude de rendre à l'autre, ne sont point adressés au savoir des femmes, mais seulement à leurs graces et à leurs vertus.

Considérant :

13º. Que les femmes qui se targuent de savoir lire et de bien écrire, ne sont pas celles qui savent aimer le mieux.
L'esprit et le talent refroidissent le cœur.
S....

Considérant :

14º. Que la coquetterie d'esprit est dans les femmes un travers qui, comme l'autre coquetterie, mène au ridicule, et quelquefois au scandale.

Considérant :

15º. Que si la belle Aspasie n'eût point été à la hauteur des lumières acquises de Périclès; Périclès ne voyant en elle qu'une femme aimable, destinée aux délassemens d'un homme d'état, Athènes n'aurait point achevé de perdre ses mœurs sous le gouvernement tacite d'une courtisane.

Considérant :

16º. Que si Louise Labè ou la belle Cordière de Lyon, n'avait point eu la manie des vers, la chronique du tems ne se serait point hasardée de signaler ainsi cette femme: «Elle avait une prédilection particulière pour les poëtes et les savans, les préférant aux grands seigneurs et leur faisant courtoisie plutôt gratis, qu'aux autres pour grand nombre d'écus; aussi leur communiquait-elle privément les pièces les plus secrettes qu'elle eût.»



Jan Vermeer - La femme en bleu, vers 1663-1664


Considérant :

17º. Que Marguerite de Navarre, première femme de Henri IV, aurait été moins galante, si elle n'avait pas su écrire.
Une femme qui tient la plume pense être en droit de se permettre plus de choses que toute autre femme qui ne connaît que son aiguille.

Considérant :

18º. Que si Catherine de Médicis n'avait point su lire, il n'y aurait point eu en France de journée de la St.-Barthélemi.

Considérant :

19º. Que si la duchesse de Longueville n'eût été qu'une bonne ménagère, sans culture et sans lettres, elle n'eût point abusé de son ascendant sur le grand Turenne, au point de faire tourner la tête et les armes de ce général contre sa patrie.

Considérant :

20º. Que si l'on n'eût point appris à lire aux femmes, celles de l'hôtel de Rambouillet ne se seraient pas donné le ridicule ineffaçable de préférer Voiture à Corneille et Pradon à Racine. Ce qui prouve en même tems que les femmes qui savent lire ne sont pas, en fait de littérature, meilleurs juges que les autres.

Considérant :

21º. Que si madame Guyon s'était contentée d'être jolie, sans apprendre à lire, elle n'aurait point égaré le beau génie de Fénélon: le cœur seul du plus sensible de tous les prélats, se serait permis une tendre foiblesse.

Considérant :

22º. Les risques que court l'innocence d'une jeune fille livrée aux leçons d'un grammairien peu sage.

On ne trouve plus des Origène d'humeur à cesser d'être homme pour apprendre impunément à lire aux jeunes filles et aux jeunes femmes d'Alexandrie.

Considérant :

23º. Combien la seule conjugaison du verbe Amo, j'aime, a occasionné de chûtes.

Considérant :

24º. Combien une jeune fille qui sait lire a de peine à résister à la tentation de jeter les yeux sur les lettres d'amour d'un séducteur éloquent.



Pieter Janssens Elinga - Femme en train de lire, 1668-1670


Considérant :

25º. Combien les romans et les ouvrages de dévotion font de ravage dans le tendre cerveau des femmes.

Considérant :

26º. Combien la lecture est contagieuse: sitôt qu'une femme ouvre un livre, elle se croit en état d'en faire;
Et femme qui compose en sait plus qu'il ne faut.
Molière.

Considérant :

27º. Que l'érudition de madame Dacier la fit changer de sexe; elle oublia dans ses discussions savantes toute l'aménité du sien.

Considérant :

28º. Que la culture des lettres n'eût pas le pouvoir d'adoucir l'humeur violente, le caractère emporté et le brusque abord de mademoiselle de Gournay, la fille d'alliance de Michel Montaigne.

Considérant :

29º. Que si madame de Lasuze n'avait point été poëte, nous aurions quelques jolis vers de moins; mais elle n'aurait point donné à ses contemporains et à la postérité le contagieux exemple d'un ménage en désordre, à force d'esprit.

Considérant :

30º. Que madame de Ville-Dieu, veuve de trois maris, et auteur de douze volumes, n'en fut pas moins galante: les Muses ne lui apprirent pas à mettre plus d'harmonie dans sa conduite.

Considérant :

31º. Que pour l'ordinaire, une femme perd de ses graces et même de ses mœurs, à mesure qu'elle gagne en savoir et en talens.

Pour peu qu'elle sache lire et écrire, une femme se croit émancipée, et hors de la tutelle où la nature et la société l'ont mise pour son propre intérêt.

Considérant :

32º. Que la cause supprimée, l'effet tombe de lui-même: ainsi, les femmes ne sachant plus lire, ne nous offriront plus le risible travers de ces diplomates femelles, qui du fond d'un boudoir, le Publiciste à la main, disposent des empires, font la part aux rois, aux républiques.... etc.

Considérant :

33º. Que la qualité de femme qui sait lire, n'ajoute rien aux titres sublimes et touchans de bonne fille, bonne épouse et bonne mère, ni aux moyens d'en remplir les devoirs doux et sacrés.



Edward Hopper - Compartiment C, voiture 193, 1938


Considérant :

34º. Que la place d'une femme n'est point sur les bancs d'une école, encore moins dans une chaire de théologie, de physique ou de droit, comme il s'est vu plus d'une fois à Bologne, en Italie.

Considérant :

35º. Que le cardinal Barbarigo ne voulut jamais permettre à la savante Hélène Lucrece-Piscopia Cornara de se faire recevoir membre de l'université de Padoue; persuadé qu'il était qu'un chapeau de fleurs ou de plumes, sied beaucoup mieux sur la tête d'une femme qu'un bonnet de docteur.

Considérant :

36º. Que les femmes ayant reçu une organisation physique plus frêle et un caractère moral moins décidé que les hommes; l'étude des lettres n'est pas un puissant moyen de donner de la force et de l'énergie. De l'aveu des philosophes eux-mêmes, les lettres énervent quand elles ne corrompent point.
Fénélon a dit:
«Les femmes ont, d'ordinaire, l'esprit encore plus foible que les hommes.»
Voyez son traité de l'éducation des filles.

Considérant :

37º. Que les femmes les mieux instruites, les plus savantes n'ont jamais enrichi les sciences et les arts d'aucune découverte. «Il n'y a jamais eu de femmes inventrices» dit Voltaire dans ses Questions Encyclop. L'invention de la gaze n'est pas même due à une femme.

Considérant :

38º. Que, quoiqu'on en ait dit, l'esprit et le cœur ont un sexe comme le corps dans la dépendance duquel ils sont tous deux, le moral et le physique étant unis d'une intimité si étroite qu'ils ne font qu'un.

Considérant :

39º. La mort précoce de plusieurs jeunes filles que leurs mères avaient condamnées à l'étude des langues et à d'autres sciences toutes aussi peu compatibles aux forces et aux goûts naturels d'une jeune personne.

Considérant :

40º. Que presque toujours quand les femmes tiennent la plume, c'est un homme qui la taille. Le mathématicien Clairaut rendit ce service à madame Duchatelet.
Colletet faisait les vers de sa servante, devenue sa femme.

Considérant :

41º. Que, les femmes n'étant assujéties à aucune charge publique, à aucune fonction administrative, n'ayant pas même droit aux fauteuils de l'Institut, elles n'ont nul besoin de savoir lire, écrire....

Considérant :

42º. Que les femmes ont trop d'occupations dans leur ménage, pour trouver du tems de reste et à perdre en lectures, écritures.....



Jean-Étienne Liotard - Madame Adélaïde, 1753


Considérant :

43º. «Que les douces fonctions de la vie privée sont assez multipliées pour occuper toute entière une femme de mérite; et que celle qui embrasse la profession d'écrire, n'est pas moins ridicule que ces soldats qui pendant les loisirs de la cazerne, prennent l'aiguille de la marchande de modes, ou le tambour de la brodeuse.»
(Galerie Univ. des Hommes illustres, in-4º. Art. Voltaire. Notes.)

Considérant :

44º. Qu'il y a scandale et discorde dans un ménage, quand une femme en sait autant ou plus que le mari.

Considérant :

45º. Combien doit être difficile le ménage d'une femme qui fait des livres, unie à un homme qui n'en sait pas faire.

Considérant :

46º. Combien la première éducation des enfans, nécessairement confiée à leur mère, souffre quand la mère est distraite de ses devoirs par la manie du bel esprit.
«La couvée est mal tenue, quand la poule veut chanter aussi haut que le coq,» dit un vieux proverbe.

Considérant :

47º. Que l'art de plaire et la science du ménage ne s'apprennent pas dans les livres.

L'art d'aimer d'Ovide n'a rien appris aux femmes.

Considérant :

48º. Combien il est ridicule et révoltant de voir une fille à marier, une femme en ménage ou une mère de famille enfiler des rimes, coudre des mots, et pâlir sur une brochure, tandis que la mal-propreté, le désordre ou le manque de tout se fait sentir dans l'intérieur de la maison.

Considérant :

49º. Qu'une femme, pour ne point savoir lire, n'en est pas moins estimable, moins digne d'être aimée, moins en état de remplir toutes ses obligations d'épouse, de mère, de parente et d'amie.

Au contraire, qu'un époux de bon sens trouve plus de véritables jouissances auprès d'une femme naturelle et sans lettre, qu'avec une autre remplie de prétentions au savoir et aux applaudissemens.

Considérant :

50º. Combien un maître de maison jaloux de remplir les devoirs de l'hospitalité, est confus, quand il a pour épouse et compagne une femme plus occupée de livres et de manuscrits que des détails du ménage: tout s'y fait mal, ou mal-à-propos; la table est mal servie; le lit est mal dressé; et le voyageur, en partant, plie les épaules, et se dit tout bas: «Que les Dieux me préservent d'une maison dont la maîtresse sait lire!»



Charles Burton Barber - Jeune fille au carlin en train de lire, 1879




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dimanche 22 février 2009

Ode au donneur de courage...


Choix cornélien pour cette « vraie » reprise des Petits poèmes dominicaux... J'avais sous le coude tout un tas de poèmes, mais au final, c'est Beaudelaire qui l'a emporté... pour son amour du vin...



Verre de vin de Gaillac


L'âme du vin

Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
« Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l’espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;

J’allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L’huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l’éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! »


Charles Beaudelaire

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vendredi 20 février 2009

Essor et décadence d'une dynastie


« Exemple de ce qu'on appelle le réalisme magique, [Cent ans de solitude]
abrite un sens de l'étrange, du fantastique et de l'incroyable. »
Drew Milke


Gabriel Garcia Marquez
Gabriel Garcia Marquez - Photo prise par Isabel Steva Hernandez
Cliquez sur la photo pour la voir dans son intégralité


Inauguration d'une nouvelle rubrique : La petite bibliothèque. L'idée est de vous faire partager les livres sans lesquels ma bibliothèque ne serait pas ce qu'elle est... Ils sont les piliers de mes rayons. Il s'agit pour la plupart de romans, mais j'imagine que j'arriverai bien à trouver quelques essais, quelques documents, voire même quelques "beaux livres". Et quel autre livre que Cent ans de solitude pouvait ouvrir le chemin vers cette merveilleuse petite bibliothèque ? Aucun, cela va sans dire.

Cent ans de solitude, écrit par le colombien Gabriel Garcia Marquez, est tout simplement un chef-d'oeuvre... si ce n'est LE chef d'oeuvre du XXème siècle... Il est, quoi qu'il en soit, un des rares romans que je ne prêterai jamais. [J'imagine qu'il me faudra, un jour, développer et expliquer cette idée...]

Cent ans de solitude
Il m'est difficile de résumer ce livre, tant il fourmille de choses, d"événements et de non-événements. La quatrième de couverture de mon exemplaire (Points Seuil, 1995) le présente ainsi :
Une épopée vaste et multiple, un mythe haut en couleur plein de rêve et de réel. Histoire à la fois minutieuse et délirante d'une dynastie : la fondation, par l'ancêtre, d'un village sud-américain isolé du reste du monde ; les grandes heures marquées par la magie et l'alchimie ; la décadence ; le déluge et la mort des animaux. Ce roman proliférant, merveilleux et doré comme une enluminure, est à sa façon un Quichotte sud-américain : même sens de la parodie, même rage d'écrire, même fête cyclique des soleils et des mots.
Cent ans de solitude
L'épopée se déroule dans un village imaginaire, Macondo, perdu quelque part dans une jungle de l'Amérique du Sud. Dans son isolement, Macondo vit d'abord dans un monde orienté vers la magie sous l'influence des gitans qui détiennent le savoir. Puis l'Histoire entre en scène, avec les deux fils du fondateur José Arcadio Buendia, et c'est une suite de révolutions, de guerres civiles, de fléaux et de destructions. Après l'Histoire, c'est la civilisation qui vient bouleverser Macondo avec l'implantation d'une compagnie bananière, invasion de la civilisation industrielle américaine. Et ce sera le déclin, l'échec ; condamnée dès les origines par le culte de la solitude où elle s'enferme, la famille Buendia s'éteindra et un déluge détruira le village de Macondo.

Cent ans de solitude
Cent ans de solitude est déroutant à différents niveaux : le magique et le fantastique côtoient le réel d'une façon tellement étroite qu'elle en devient logique. Il n'est pas étonnant de croiser un gitan sur un tapis volant, pas plus qu'il n'est étonnant de vivre plus de 150 ans ou de voir une petite pluie de minuscules fleurs jaunes s'abattre sur le village lors de la mort de José Arcadio Buendia, fondateur du village. Mais ces éléments surnaturels paraissent l'évidence même... outre qu'ils sont une particularité bien spécifique de la littérature sud-américaine, ils sont surtout une marque indiscutable de l'écriture de Garcia Marquez. C'est ce qui a été nommé le « réalisme magique ».

Cent ans de solitude
Une des difficultés majeures du roman est le fait que quasiment tous les protagonistes portent le même prénom. José Arcadio Buendia et Ursula, sa fabuleuse épouse et de loin mon personnage favori) ont eu deux fils très différents l’un de l’autre : Auréliano et José Arcadio. À partir de là, et au fur et à mesure des mariages, il y aura de nouveaux Arcadio Buendia, de nouveaux Aureliano Buendia (« le second », « le troisième »...), à commencer par le colonel Aureliano Buendia qui passera toute sa vie à lutter contre le pouvoir central corrompu. De nombreuses femmes entrent également en scène, toutes plus belles les unes que les autres. Certaines sont riches, d'autres sont pauvres ; certaines font commerce de leur corps, d'autres seront pieuses à l'extrême ; mais elles ont toutes un point commun : elles ont un pouvoir indiscutable sur les hommes, et donc sur le devenir — et la déchéance — de Macondo.

Cent ans de solitude
Il me paraît réellement impossible de résumer correctement ce roman, tout au moins à le résumer en rendant compte de cette ambiance si fascinante. C'est un livre qui vous envoûte, qui vous emmene dans un monde lointain et en même temps si proche. À aucun moment, par exemple, il n'est fait mention d'une date. On peut tout aussi bien situer l'épopée au XIXe siècle qu'au XXe... C'est pour moi un chef d'oeuvre incontestable.

Cent ans de solitude
Je me souviens que lorsque je l'ai lu, je n'arrivais pas à le lâcher. J'avais l'impression que, chaque fois que je fermais le livre, les personnages continuaient à évoluer sans que je puisse en être témoin. J'avais l'impression que j'allais rater tout un tas de choses... C'est une impression que je n'ai pas souvent ressentie, en tout cas pas de façon aussi forte. Alors que je lisais, j'ai également tenu à jour un arbre généalogique de la famille Buendia, avec quelques éléments biographiques sur chacune des personnes. J'ai d'abord fait ça avec pour ne pas trop me perdre, de ne pas trop mélanger chaque protagoniste (puisque même nom, je vous le rappelle). Mais en relisant mes notes, je me suis rendue compte des similitudes qui existaient entre les personnes aux noms similaires, tant au niveau du caractère et de la façon d'agir, qu'au niveau du destin. Un peu comme si le prénom, à la naissance, conditionnait la vie de l'enfant... d'où un sentiment de fatalité qui ressort aussi de cette lecture... Et puis les personnages sont fous, à divers degrés, mais ils le sont tous...

« Alors que les Aureliano étaient renfermés, mais perspicaces, les José Arcadio étaient impulsifs et entreprenants, mais marqués d'un signe tragique. »
« Ils sont tous comme ça, dit-elle sans paraître surprise. Tous fous de naissance. »
« Il n'y avait, dans le cœur d'un Buendia, nul mystère que [Pilar Ternera] ne pût pénétrer, dans la mesure où un siècle de cartes et d'expérience lui avait appris que l'histoire de la famille n'était qu'un engrenage d'inévitables répétitions. »
« L'air y avait une densité toute nouvelle, comme si on finissait juste de l'inventer, et les belles mulâtresses qui attendaient sans espoir entre les pétales sanglants et les disques passés de modes, connaissaient des offices de l'amour que l'homme avait oublié d'emporter du paradis terrestre. La première nuit où le groupe s'en vint rendre visite à cette serre à illusions, la splendide et taciturne doyenne, qui surveillait les entrées dans un fauteuil à bascule en rotin, sentit le temps revenir à ses sources premières quand elle découvrit parmi les cinq nouveaux arrivants un homme aux os saillants, au teint bistre, aux pommettes tartares, marqué depuis le commencement du monde et à jamais par la vérole de la solitude.

— Aïe ! soupira-t-elle. Aureliano !

Elle était en train de revoir le colonel Auréliano Buendia comme elle l'avait vu à la lumière d'une lampe bien avant toutes les guerres, bien avant la désolation de la gloire et l'exil de la désillusion, par cette aube lointaine où il s'en vint jusqu'à sa chambre donner un ordre pour la première fois de sa vie : l'ordre qu'on lui fît l'amour. C'était Pilar Ternera. Il y avait des années de cela, quand elle avait atteint ses cent quarante-cinq ans, elle avait renoncé à la pernicieuse habitude de tenir les comptes de son âge et continué à vivre dans le temps statique et marginal des souvenirs, dans un futur parfaitement révélé et en vigueur, bien au-delà des futurs perturbés par les embûches et les suppositions captieuses des cartes.

Depuis cette nuit-là, Aureliano s'était réfugié dans la tendresse et la compatissante compréhension de sa trisaïeule ignorée. Assise dans son fauteuil à bascule en rotin, elle évoquait le passé, reconstituait la grandeur et l'infortune de la famille et la splendeur de Macondo réduite à néant...
»

Depuis, j'ai lu un bon nombre d'autres romans ou nouvelles de Garcia Marquez, et j'y ai presque toujours retrouvé une allusion à Cent ans de solitude... Je suis tout simplement une grande admiratrice de cet auteur colombien.

J'espère simplement vous avoir donné envie de (re)découvrir "mon" chef d'oeuvre...

Gabriel Garcia Marquez a reçu le prix Nobel de littérature en 1982.


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mercredi 18 février 2009

Impression de déjà vu


La naissance de Vénus - Sandro Botticelli
La naissance de Vénus - Sandro Botticelli (vers 1485)


Il ne vous est jamais arrivé de vous dire : « Tiens, il me semble avoir déjà vu ou entendu ça... », bien que ce ne soit pas possible ? J'imagine que cela arrive à tout le monde ; il doit même exister une explication scientifique ou je ne sais quoi.

Je ne sais pas à partir de quel âge un enfant commence à avoir des souvenirs, des souvenirs qui restent. Prenons un exemple : alors que j'avais 17 mois, nous étions en plein d'août, mon père tondait la pelouse. Je n'ai jamais été très "manuelle". Ainsi, je parlais très bien très tôt, mais j'ai tardé à marcher correctement. À 17 mois, donc, je marchais... mais je n'étais pas super solide sur mes jambes. Et alors que mon père tondait la pelouse, ma mère me gardait à l'intérieur de la maison, avec elle, histoire que je n'aille pas m'étaler dans les pattes de mon père... Une fois la tâche de mon cher papa achevée, ma chère maman m'a laissée aller le rejoindre. Imaginez un PetitChap se dirigeant cahin-caha (j'adore cette expression !) vers son tendre papa... Et ce qui devait arriver arriva : je me suis étalée comme une belle merde sur la tondeuse à gazon. Elle était certes éteinte, mais elle était encore brûlante... Résultat, tout l'intérieur de mon bras droit a été brûlé au troisième degré. Magnifique.
« Fermina Daza était certaine d’être passée par cet endroit quand elle était toute petite, avec sa mère, dans une charrette tirée par une paire de bœufs. Adulte, elle en avait souvent parlé à son père, mais celui-ci était mort en soutenant qu’il était impossible qu’elle s’en souvînt. Je me rappelle très bien ce voyage et c’est exact, lui disait-il, mais c’était au moins cinq ans avant ta naissance. »

Gabriel Garcia Marquez
L'amour au temps du choléra
Il parait que j'ai hurlé à la mort ; ma peau est à moitié resté collée sur l'engin... Bon, je vous passe les détails des soins un peu (carrément) étranges (à base de feuilles de chou), mais vous imaginez fort bien à quel point j'ai dû en baver pendant quelques temps... et pourtant...

Je ne garde absolument aucun souvenir de ce "petit" accident. Je connais l'histoire par coeur tellement elle m'a été racontée ; mon bras en garde d'ailleurs un beau souvenir. Mais j'ai beau chercher tout au fond de ma mémoire, rien ne revient.

J'ai souvent essayé de chercher quel était mon souvenir le plus lointain. Je crois que c'est une chose tout simplement impossible. Mais je me souviens très bien d'une chose : je revois ma mère avec des cheveux longs, des cheveux très longs. Je peux même vous décrire la scène : ma mère est au milieu de la salle à manger qui est en train d'être restaurée ; les murs sont en sale état, les fenêtres viennent d'être changées. Mon père - ou un ami, je n'en sais rien - n'a pas terminé de poser tout le carrelage au sol. Une table trône dans la pièce, un peu à l'écart ; ma mère y a posé ses mains dessus. Je ne la vois que de dos, mais je peux ainsi admirer ses longs et beaux cheveux bruns qui lui descendent jusqu'à mi-dos. Je devais être toute jeune, parce que je ne souviens pas d'avoir, à ce moment-là, un petit frère (nous n'avons que deux ans d'écart). C'est donc ce qui me fait dire que j'étais toute petite.

Vous vous demandez sans doute où va vous mener cette pauvre histoire... J'y viens, j'y viens...

Il n'y a pas si longtemps, je ne sais pas pourquoi cette scène m'est revenue à l'esprit. Je l'ai alors racontée à ma mère pour la première fois. Et voilà sa réaction : « C'est vrai que j'ai eu les cheveux longs jusqu'à mi-dos... mais tu ne peux pas t'en souvenir : je les ai fait couper à ta naissance... »

Je suis pourtant certaine de moi. J'ai vu des tas de photos de ma mère avec des cheveux longs, des photos où elle était jeune et pas encore maman. Mais aucune de ces photos ne correspond à mon souvenir. Alors pourquoi ne serait-il pas possible qu'à l'image de Fermina Daza, je me souvienne de choses qui se sont produites avant même ma naissance ? Hum ?

Et bien moi, j'ai envie d'y croire...


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lundi 16 février 2009

Histoire de boudoir


Monsieur se retirera dans son cabinet pour vaquer à ses affaires,
quand Madame ira dans son boudoir pour s’adonner à
des plaisirs oniriques, intellectuels, ou plus prosaïquement, charnels.

Audrey Higelin-Fusté



Sutton Park Boudoir


« Le boudoir, comme lieu d’intériorité, est une véritable invention du XVIIIème siècle, que ce soit dans le terme, dans la forme ou dans l’usage. Le terme, tout d’abord, apparaît en 1740 dans le dictionnaire de l’Académie Française, qui le dit familier, et le définit comme « petit cabinet où l’on se retire quand on veut être seul ». Le dictionnaire de Trévoux précisera en 1752 : « petit réduit, cabinet fort étroit, auprès de la chambre, ainsi nommé apparemment parce qu’on a coutume de s’y retirer pour être seul, pour bouder sans témoin, lorsque l’on est de mauvaise humeur. » Nous sommes encore assez loin d’une définition traduisant la réalité des usages et de la conformation de la pièce. L’académicien n’est pas plus prescripteur que l’architecte, dans cette première moitié du XVIIIème siècle, et c’est dans le champ de l’histoire sociale que l’on trouvera les éléments d’analyse les plus probants concernant le boudoir. L’Académie française attendra 1835 pour préciser l’acception du terme, précisant qu’il s’agit d’ « un cabinet orné avec élégance à l’usage particulier de ces dames ».

La forme et l’usage du boudoir peuvent quant à eux être déduits de l’étude de la littérature -principalement érotique-, des traités d’architecture, et dans une moindre mesure des relevés qui ont pu être faits dans un échantillon de demeures bourgeoises (Pardailhé-Galabrun). La littérature offre en effet une définition assez protéiforme et certainement pour partie fantasmée du boudoir. Dans les Tableaux des mœurs du temps, La Popelinière associe « boudoir » à « foutoir », ce qui est réducteur en plus d’être cru. D’autant que la description que le texte propose de la pièce donne à cette dernière une dimension plus consistante. Rétif de la Bretonne, dans Monsieur Nicolas, associe quant à lui le boudoir de Sade, dans La Philosophie dans le boudoir, à un « torturoir », analogie somme toute exacte dans l’usage qui en est fait, mais qui n’interfère pas dans sa conformation architecturale. Le boudoir peut être aussi qualifié d’ « oratoire », truchement qui ne fait, tout du moins dans la littérature qui nous concerne, aucun doute sur la destination de l’endroit. Entre « oratoire » et « foutoir », il existe une contradiction caractéristique de ce siècle empreint d’une gaze qui ne portait pas atteinte à la compréhension du lieu ni de son usage. Le boudoir, invention du XVIIIème siècle dans la lettre et dans la forme, est un lieu alternatif entre réalité et imaginaire, dont l’architecture et l’ornementation permettent introspection et voyages immobiles. »

Audrey Higelin-Fusté, extrait de :
Le boudoir dans la littérature ou l'architecture de l'intime
[Lire l'article dans son intégralité]


En ce qui me concerne, j'ai passé ma fin d'après-midi dominicale à :
- sortir tout un tas de gros cartons vides ;
- bouger une télé en rade ;
- bouger un écran d'ordi ;
- enlever quelques fringues de rugby ;
- bouger deux gros sacs de livres ;
- bouger deux cartons pleins de papiers et de cours ;
- passer quelques coups d'aspirateur ;
- démonter un (ou une, je ne sais jamais) psyché ;
- retourner tout l'appartement afin de dégoter une ampoule non grillée qui se visse et qui a un énoooooorme culot....
Tous ces efforts le but ultime de me faire un semblant de boudoir à moi... tout au moins un petit coin lecture... Il mérite d'être amélioré, mais voilà le résultat :



Un petit coin lecture...


Et pour terminer, voici le boudoir dans un tout autre style... :
Annis la Noire est une ogresse, descendant d'une déesse sanguinaire et vivant à Leicester près du littoral écossais. Edouard Brasey raconte qu'elle n'avait qu'un oeil, un visage livide et de longues griffes acérées. Elle se cachait au creux d'un chêne des Dane Hills et y guettait sournoisement les passants attardés, notamment les enfants. Lorsqu'ils se trouvaient à sa portée, elle les saisissait au moyen de ses griffes, leur lacérait la peau et se nourrissait de leur chair tendre. Elle faisait ensuite sécher les peaux de ses victimes sur les parois de sa grotte, qu'on appelait avec dérision et effroi : « le boudoir d'Annis la Noire ».


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samedi 14 février 2009

C'est l'histoire de la bête

.
Ronde pour mes chez chers petitous
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Ronde pour mes chers petitous

C'est la Bête du Gévaudan
Qui mange les petits enfants
Quand ils se tiennent mal à table
Comme des petits misérables,
Et s'ils font pipi dans leur lit
Comme Lulu, mais pas Titi,
Et s'ils n'écoutent pas grand-mère
Et s'en vont tripoter la terre
Salissant leurs petites mains
Dans tous les vases du jardin
Et s'ils font de grosses sottises
Et se tiennent mal à l'Église
S'ils tirent Mina par la peau
Par la queue ou par le museau
Si comme des petites scies
Ils agacent maman Lucie
Et s'ils font enrager Marthou
Et Zoé en bousculant tout
La Bête, avec sa grande bouche
Les gobera comme une mouche

Ronde pour mes chers petitous
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Mais s'ils sont mignons et gentils
Comme Lulu, comme Titi,
La Bête aussi sera gentille
Et leur donnera des pastilles
Des biscuits et des gros canards
Et puis des billes de billard
C'est ce que nous écrit grand-père
De Saint-Alban, dans la Lozère
Il a quitté ses petitous
Pour revoir ses amis les fous
Mais de chez eux il nous envoie
Des pantins qui font notre joie
Pendant que cher papa Toussaint
Est parti comme médecin
Soigner sur le champ de bataille
Nos soldats frappés de mitraille
Par ces barbares d'Allemands
Qui sont tous voleurs et méchants
Mais bientôt nos braves armées
Leur ficheront la tripotée
Alors grand-père reviendra
Et Jean Bennet et cher papa
Et nous danserons à la ronde
Les grands, les petits, tout le monde.



Docteur Dubuisson
Directeur Médecin honoraire
Des asiles publics d'Aliniés
Intérimaire à l'asile de Saint-Alban


Saint-Alban le 15 Novembre 1914 (Lozère)

Ronde pour mes chers petitous
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... l'histoire de la Bête du Gévaudan arrive très prochainement...


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dimanche 8 février 2009

Beirut...


En attendant la suite, encore...

Nantes



Est-ce d’avoir grandi au Nouveau-Mexique, une des régions les plus désertiques des Etats-Unis, qui a donné à Zach Condon, alias Beirut, le goût des voyages spatiotemporels, des climats humides, des ambiances portuaires de la vieille Europe ? Il y a un an et demi [en 2006], on découvrait Beirut avec Gulag Orkestar, un premier album qui semblait célébrer la rencontre du blues bastringue de Tom Waits et des vocalises endolories de Thom Yorke au cœur des Balkans, arrosée à la vodka.
Beirut - The flying club cup
Beirut a souvent trouvé refuge à Paris, il y a vécu plusieurs mois, s’y est fait des amis et a puisé dans la culture française l’inspiration de son deuxième album — il adore Jacques Brel et là, pour rire un peu, on le rebaptiserait bien Zach Brel, le chanteur de Beirut aux poignets tatoués de cors français. “J’aimerais chanter comme un vieux marin”, déclare-t-il quand on le rencontre au pied de Montmartre, de sa voix de jeune mousse.

The Flying Cub Cup commence par un mini-morceau de vingt secondes, comme le son d’une corne de brume. Un nouveau départ, qui évoque cette fois-ci une traversée maritime sur un cargo français, mais dans les eaux internationales. Le navire tangue, il fait froid sur le pont, mais Zach Condon n’est pas seul (il a enregistré cet album en équipe, ça s’entend), et il s’emmitoufle dans des chansons mélancoliques, denses et doucement lyriques, pleines de violoncelle, d’accordéon, de bouzouki, de clarinette, de petites percussions, de trompette et d’autres instruments qui n’ont jamais approché les rivages du rock. Ce n’est pas La croisière s’amuse, pas non plus Le Radeau de la Méduse. C’est la petite musique intime et déboussolée de Zach Condon, jeune Américain toujours entre deux eaux, autant d’époques et d’horizons, qui cherche la lueur du phare au son de la fanfare.

[Source : Les Inrocks]


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