dimanche 30 novembre 2008

Raphus cucullatus : histoire d'une tragédie

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"Lorsque le dernier arbre aura été abattu,
que la dernière rivière aura été empoisonnée,
que le dernier poisson aura été capturé, vous vous
rendrez alors compte que l’argent ne se mange pas.
"
Chief Seattle, chef indien d’Amérique du Nord, 1854.




Raphus cucullatus, oiseau plus connu sous le nom de Dodo (ou Dronte) a disparu à la fin du XVIIe siècle. Endémique à l'ïle Maurice, il en est d'ailleurs devenu l'emblème à titre posthume... Tel Dalida, Claude François, C. Jérôme ou encore Pascal Sevran, sa mort lui a valu de devenir mythique ! Mais qui était réellement le Dodo ?

Physiquement, le Dodo ressemblait à une grosse dinde, ou à un gros pigeon... En tout cas, il était gros, dodu et gras. Haut de 70 centimètres, semble-t-il, il pouvait peser jusqu'à vingt bons kilos. Il avait des pattes noires, fortes et pourvues de quatre doigts jaunes. Sa queue était formée de quelques plumes assez courtes. Sa tête, en partie nue, était coiffée d'un capuchon noir et le puissant bec, jaunâtre, était allongé et recourbé. D'autre part, tout comme l'autruche ou le kiwi, ses ailes ne lui permettaient pas de voler. En effet, elles étaient courtes, voire même minuscules. Il semble donc qu'il avait un aspect quelque peu incongru et un tantinet ridicule...




Buffon, naturaliste ayant notamment influencé Darwin, l'a ainsi décrit :
« Représentez-vous un corps massif et presque cubique, à peine soutenu par deux piliers très gros et très courts… La grosseur qui, dans les animaux, suppose la force, ne produit ici que la pesanteur.

L'autruche, le touyou, le casoar, ne sont pas plus en état de voler que le dronte ; mais du moins ils vont très vite à la course, au lieu que le dronte paraît accablé par son propre poids et avoir à peine la force de se traîner : c'est dans les oiseaux ce que le paresseux est dans les quadrupèdes, on dirait qu'il est composé d'une matière brute, inactive, où les molécules vivantes ont été trop épargnées.

Il a des ailes, mais ses ailes sont trop courtes et trop faibles pour l'élancer dans les airs ; il a une queue, mais cette queue est disproportionnée et hors de sa place : on le prendrait pour une tortue qui se serait affublée de la dépouille d'un oiseau, et la nature, en lui accordant ces ornements inutiles, semble avoir voulu ajouter l'embarras à la pesanteur, la gaucherie des mouvements à l'inertie de la masse, et rendre sa lourde épaisseur encore plus choquante, en faisant souvenir qu'il est un oiseau. »
En 1618, Bentekoe, voyageur hollandais, racontait dans son journal :
« Il s'y trouvait aussi des Dod-Ersen qui avaient des petites ailes, et loin de pouvoir voler, ils étaient si gras qu'ils pouvaient à peine marcher et quand ils cherchaient à courir ils roulaient par terre. »



Découvert en 1598 par des marins portugais, le dodo avait complètement disparu moins d'un siècle plus tard... Alors que s'est-il donc passé ?

Il est bon de souligner que, jusqu'à l'arrivée des européens, Raphus Cucullatus n'avait jamais connu de prédateurs. D'autre part, sa démarche lourde et incertaine ne lui permettant pas de faire grand chose, il ne se nourrissait que de plantes basses, de graines et de fruits tombés des arbres. Sa physionomie pour le moins étrange et son comportement maladroit lui valurent une réputation de volatile paresseux et benêt. « C'est un animal tout à fait stupide… », disait un observateur de l'époque. Mais un animal qui n'a rien à craindre ne peut-il pas se permettre une certaine...? Le pauvre Dodo a ainsi connu une existence paisible jusqu'à la fin du XVIe siècle...

En effet, dès cette époque, l'île Maurice devint un lieu d'escale pour les navires au long cours. Et lorsque les marins débarquaient après de longs mois de privation, ils étaient tout contents de trouver de la viande fraîche et sur pattes. Mais le sort du Dodo fut définitivement scellé dès 1644, alors que l'île Maurice devint une colonie hollandaise. Le gros oiseau, empoté et ne connaissant pas le danger, fut le gibier le plus facile à chasser... et donc à exterminer. Les marins, dans leurs journaux de bord, en parlaient en ces termes :
« Ils viennent à votre rencontre sans méfiance, un rien hautains, l'air sévère, ils ouvrent leur bec, n'ont aucune crainte, paraissent même téméraires et ne reculent pas lorsque vous allez au devant d'eux. »
Ou encore :
« Lorsque nous étions à Maurice, île qu'on appelait jadis île de Cerne, il y avait un oiseau que nous décidâmes d'appeler « oiseau dégoûtant ». Nous avons essayé de le cuire, mais sa chair était si coriace que, même plusieurs heures de cuisson n'y changeaient rien. Bien que mal cuite, nous en mangeâmes malgré tout.

Comme cette île était vierge de tout habitant, les oiseaux n'étaient pas farouches et se laissaient approcher sans fuir. Ils demeuraient là, placides et immobiles, ce qui nous permit de les tuer sans difficulté. En résumé, cette terre s'est avérée riche, regorgeant, où que vous mènent vos pas, d'oiseaux et poissons en tous genres. »



Les Hollandais en tuèrent la majorité pour consommer leur chair ; ainsi, ils en chargèrent leurs navires afin de disposer d'une bonne réserve de nourriture. Ils le surnommèrent walgvogel ("oiseau dégôutant") car sa viande étaient absolument mauvaise et plus du tout comestible deux jours après la cuisson. Les hommes, ainsi que leurs animaux domestiques introduits (chats, chèvres, chiens, porcs... et même rats), furent donc à l'origine de l'extinction du dodo, aux alentours de 1680. La disparition de cette espèce fut d'ailleurs si rapide que l'on en vint, au XIXe siècle, à douter que le Dodo ait jamais existé.

Sa disparition subite l'a élevé au rang d'animal de légende... et on le retrouve un peu partout dans la littérature et au cinéma. Ainsi fait-il une brève apparition dans "Alice au pays des merveilles" de Lewis Caroll, ou encore dans "L'âge de glace", dessin animé dans lequel sa stupidité est largement mise en avant...

Afin de clore cet article ô combien indispensable à la blogobulle, je vous propose d'avoir ici une pensée pour Jojo le kiwi - grand ami d'elgJyn - qui, tout comme le dodo, est un oiseau coureur... En clair, il a des ailes, mais elles ne sont là que pour la déco... Espérons qu'il ne connaisse pas la même fin tragique que Raphus cucullatus...



Les illustrations sont de Harri Kallio.


3 commentaires:

elgJyn a dit…

à la grande différence que les kiwis on peut les fracasser comme on veut, on s'en fout, y'en a plein... et toc !!!!
merchi, dédicace !!!

PetitChap a dit…

Oui mais il n'y a qu'un seul Jojo !! D'ailleurs, à ce propos, ça fait un bout de temps qu'on ne le voit plus... Tu l'as fracassé, hein, c'est ça ?!! Vandale !! ;)

La bise

Harkender a dit…

je n'aimerai pas avoir pascal sevran en drapeau national tout de même! déjà que le coup du roi c'est limite!!!

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