samedi 8 mai 2010

Écrire comme on vit

Strasbourg, Rue des Écrivains by ba.dev
Strasbourg, Rue des Écrivains par ba.dev via Flickr

L'autre jour, au détour d'une conversation, je disais à un ami que je venais d'acheter un polar sud-africain. Ce à quoi il me répond (en espérant qu'il ne m'en veuille pas trop de le citer et qu'il sera toujours d'accord pour aller boire un godet en ma compagnie) :

« Ça a un sens de parler de polar sud-africain ? Autant, je crois comprendre que Millénium a créé la mode du polar nordique, mais est-ce vraiment un style ? Tous les auteurs de polar qui vivent en Europe du nord ont forcément un... truc en commun ? Une inspiration ? Et ça se retrouverait partout ? Il y aurait un "roman d'aventure asiatique", une "fresque historique américaine" ? »

Et un peu plus loin, à propos des polars nordiques :


« Là, est-ce que c'est la presse / critique ou l'envie de retrouver ce que les gens ont appréciés dans Millénium, on a l'impression qu'il suffit d'avoir des accents bizarres dans son nom pour être un génie du polar... »

Je dois avouer que j'ai régulièrement tendance à faire quelques raccourcis, et qu'il vaudrait peut être mieux parler de "polar d'un auteur nordique" ou sud-africain, plutôt que de parler de "polar nordique" ou de "polar sud-africain". Ceci dit, on est quand même un peu forcé de constater certaines similitudes dans les polars des auteurs nordiques (suédois, islandais, norvégien) : ce sont des bouquins généralement très ancrés dans la réalité ; des polars, certes, mais construits autour d'une réalité sociale dure et en déclin, peignant régulièrement des personnages déprimés, seuls (ou mal accompagnés), en difficulté sociale. Et ce qui est fantastique, c'est que bien que cette réalité sociale ne soit pas très jolie, bien que ce qui est décrit soit un brin déprimant, ces bouquins sont tellement plein d'humour et de cynisme que l'on ne peut les lâcher avant la dernière page. D'autre part, les intrigues se déroulent également de façon similaire : il n'y a pas de super flic ni de super médecin légiste, il n'y a pas non plus de super technologie pour analyser les preuves. Il n'y a que des flics totalement normaux, qui triment comme ils peuvent, qui se débrouillent comme ils peuvent, qui sont souvent déboussolés par tant de cruauté... Il reste à noter que bon nombre d'auteurs nordiques se revendiquent comme étant les "descendants littéraires" de Maj Sjöwall et Per Wahlöö, auteurs suédois des années 60.

En ce sens, je crois que l'on peut parler de "polar nordique" comme d'un sous-genre à part entière. Je ne suis pas en train de dire que tous les polars écrits par des auteurs nordiques entrent dans ce "sous-genre" policier, mais ce sous-genre existe bel et bien.

Bien qu'il ait été écrit par un Suédois, je ne pense pas que l'on puisse dire que Millénium appartienne à ce sous-genre. Et même si le tapage médiatique qu'il a suscité était un brin exagéré, il n'a peut être pas vraiment lancé une mode "polar nordique", mais il a au moins favorisé un peu plus de visibilité de ces auteurs sur les étals de nos libraires français. Et c'est une très bonne chose.

Pour terminer avec cette histoire de genre par zone géographique, jeudi dernier, lors de l'émission La grande librairie sur France 5, Douglas Kennedy [oh pinaise, encore les éditions Belfond... ça va devenir une obsession ! (Private joke)] expliquait que tous les auteurs des États-Unis parlaient toujours de leur pays. Ils le font chacun à leur façon, mais ils en parlent dans tous leurs bouquins, quel que soit le propos du livre. Je crois qu'effectivement chacun écrit comme il vit. Un gars qui est né en Suède n'écrira pas les mêmes choses qu'un gars né en Afrique du Sud ou aux États-Unis. Les histoires peuvent certainement être universelles, mais les sensibilités des auteurs sont forcément imprégnées par leur histoire personnelle, leur quotidien, mais aussi par la société dans laquelle ils sont né ou dans laquelle ils évoluent, par les rituels ou croyances populaires, etc, etc. Ce n'est peut-être pas toujours flagrant, même pour l'auteur, mais je pense que c'est une réalité.

4 commentaires:

Elbereth a dit…

Oui c'est vrai, je pense...
Perso, j'avoue que pour le moment, je n'ai pas tenté l'expérience du polar venant du froid, mais il y en a un qui m'attend alors hein !...

Cela dit, je pense également que "chacun écrit comme il vit" puisque chacun parle de ce qu'il connait ! C'est ce qui peut différencier, à mon sens, untel de untel... Mis à part le style...

Bon, et pour les éditions Belfond, non je n'ai pas d'actions chez eux ! lol. Quoique c'est vrai, on aurait pu se demander... Maintenant, je te pose une question : qu'est-ce que t'as contre ces éditions ???

PetitChap a dit…

Mais je ne sais absolument pas ce que j'ai contre cette maison d'édition... d'autant que tu ne devineras jamais ce que je suis en train de lire : un bouquin initialement édité chez Belfond !! Si, si, je t'assure... et c'est encore une fois un hasard complet. Bon, là, je le lis en poche (chez 10/18), alors j'ai pas trop l'impression de faire une fixation sur cet éditeur... ;)

(Pour la petite histoire, le livre en question est La lamentation du prépuce de Shalom Auslander.)

Pour revenir deux secondes sur Belfond, historiquement, c'était pas une maison d'édition pour romans "à l'eau de rose" ? Non ? mmhh, je me trompe peut être, je ne sais pas pourquoi j'ai cette impression.

Voilà voilà... :)

Elbereth a dit…

Alors là, ça se pourrait bien qu'ils étaient adeptes à l'eau de rose, mais toujours est-il que maintenant, ce n'est pas le cas, et que les deux que j'ai lu m'ont drôlement plus, alors voilà ! Na !

Et puis en plus, je doute que La Lamentation du Prépuce soit un roman de ce style, je me trompe ??? ;)

PetitChap a dit…

Oui, il semble que les romans à l'eau de rose ne soient plus d'actualité chez Belfond, et effectivement, "La lamentation du prépuce" n'en est pas un ! :)

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