Timbre allemand - 1960
Le Petit Chaperon Rouge
Rotkäppchen
Rotkäppchen
Il était une fois une adorable petite fillette que tout le monde aimait rien qu'à la voir, et plus que tous, sa grand-mère, qui ne savait que faire ni que donner comme cadeaux à l'enfant. Une fois, elle lui donna un petit chaperon de velours rouge et la fillette le trouva si joli, il lui allait tellement bien, qu'elle ne voulut plus porter autre chose et qu'on ne l'appela plus que le Petit Chaperon Rouge.
Un jour, sa mère lui dit :
— Tiens, Petit Chaperon Rouge, voici un morceau de galette et une bouteille de vin : tu iras les porter à ta grand-mère ; elle est malade et affaiblie, et elle va bien se régaler. Vas-y tout de suite, avant qu'il ne fasse trop chaud ; et sois bien sage en chemin et ne saute pas à droite ou à gauche pour aller tomber et me casser la bouteille de grand-mère, qui n'aurait plus rien. Et puis, dis bien bonjour en entrant et ne regarde pas d'abord dans tous les coins !
— Je serai sage et je ferai tout pour le mieux, promit le Petit Chaperon rouge à sa mère, avant de lui dire au revoir et de partir.
Mais la grand-mère habitait à une bonne demi-heure du village, tout là-bas, dans la forêt ; et lorsque le Petit Chaperon Rouge entra dans la forêt, ce fut pour rencontrer le loup. Mais elle ne savait pas que c'était une si méchante bête et elle n'avait pas peur.
— Bonjour, Petit Chaperon Rouge, dit le loup.
— Merci à toi et bonjour aussi, loup.
— Où vas-tu de si bonne heure, Petit Chaperon Rouge ?
— Chez grand-mère.
— Que portes-tu sous ton tablier, dis-moi ?
— De la galette et du vin, dit le Petit Chaperon Rouge ; nous l'avons cuite hier et je vais en porter à grand-mère, parce qu'elle est malade et que cela lui fera du bien.
— Où habite-t-elle, ta grand-mère, Petit Chaperon Rouge ? demanda le loup.
— Plus loin dans la forêt, à un quart d'heure d'ici ; c'est sous les trois grands chênes, et juste en dessous, il y a des noisetiers, tu reconnaîtras forcément, dit le Petit Chaperon Rouge.
Timbre allemand - 1960
Fort de ce renseignement, le loup pensa : « Un fameux régal, cette mignonne et tendre jeunesse ! Grasse chère, que j'en ferai : meilleure encore que la grand-mère, que je vais engloutir aussi. Mais attention, il faut être malin si tu veux les déguster l'une et l'autre. » Telles étaient les pensées du loup tandis qu'il faisait un bout de conduite au Petit Chaperon Rouge. Puis il dit, tout en marchant :
— Toutes ces jolies fleurs dans le sous-bois, comment se fait-il que tu ne les regardes même pas, Petit Chaperon Rouge ? Et les oiseaux, on dirait que tu ne les entends pas chanter ! Tu marches droit devant toi comme si tu allais à l'école, mais c'est pourtant rudement joli, la forêt !
Le Petit Chaperon Rouge donna un coup d'œil alentour et vit danser les rayons du soleil entre les arbres, et puis partout, partout des fleurs qui brillaient. « Si j'en faisais un bouquet pour grand-mère, se dit-elle, cela lui ferait plaisir aussi ; il est tôt et j'ai bien le temps d'en cueillir. » Sans attendre, elle quitta le chemin pour entrer dans le sous-bois et cueillir des fleurs : une ici, l'autre là, mais la plus belle était toujours un peu plus loin, et encore plus loin dans l'intérieur de la forêt. Le loup, pendant ce temps, courait tout droit à la maison de la grand-mère et frappait à sa porte.
— Qui est là ? cria la grand-mère.
— C'est moi, le Petit Chaperon Rouge, dit le loup ; je t'apporte de la galette et du vin, ouvre-moi !
— Tu n'as qu'à tirer le loquet, cria la grand-mère. Je suis trop faible pour aller t'ouvrir.
Le loup tira le loquet, poussa la porte et entra pour s'avancer tout droit, sans dire un mot, jusqu'au lit de la grand-mère, qu'il avala. Il mit ensuite sa chemise, s'enfouit la tête sous son bonnet de dentelle et se coucha dans son lit, puis tira les rideaux de l'alcôve.
Le Petit Chaperon Rouge avait couru de fleur en fleur, mais à présent son bouquet était si gros que c'était tout juste si elle pouvait le porter. Alors elle pensa à sa grand-mère et se remit bien vite en chemin pour arriver chez elle. La porte était ouverte et cela l'étonna ; mais quand elle fut dans la chambre, tout lui parut de plus en plus bizarre et elle se dit : « Mon Dieu, comme tout est étrange aujourd'hui ! D'habitude, je suis si heureuse quand je suis chez grand-mère ! » Elle salua pourtant :
— Bonjour, grand-mère !
Timbre allemand - 1960
Mais comme personne ne répondait, elle s'avança jusqu'à son lit et écarta les rideaux. La grand-mère était là, couchée, avec son bonnet qui lui cachait presque toute la figure, et elle avait l'air si étrange.
— Comme tu as de grandes oreilles, grand-mère !
— C'est pour mieux t'entendre, répondit-elle.
— Comme tu as de gros yeux, grand-mère !
— C'est pour mieux te voir, répondit-elle.
— Comme tu as de grandes mains !
— C'est pour mieux te prendre, répondit-elle.
— Oh ! grand-mère, quelle grande bouche et quelles terribles dents tu as !
— C'est pour mieux te manger, dit le loup, qui fit un bond hors du lit et avala le pauvre Petit Chaperon Rouge d'un seul coup.
Sa voracité satisfaite, le loup retourna se coucher dans le lit et s'endormit bientôt, ronflant plus fort que fort. Le chasseur, qui passait devant la maison, l'entendit et pensa : « Qu'a donc la vieille femme à ronfler si fort ? Il faut que tu entres et que tu voies si elle a quelque chose qui ne va pas. » Il entra donc et, s'approchant du lit, vit le loup qui dormait là.
— C'est ici que je te trouve, vieille canaille ! dit le chasseur. Il y a un moment que je te cherche !...
Et il allait épauler son fusil, quand, tout à coup, l'idée lui vint que le loup avait peut être mangé la grand-mère et qu'il pouvait être encore temps de la sauver. Il reposa son fusil, prit des ciseaux et se mit à tailler le ventre du loup endormi. Au deuxième ou au troisième coup de ciseaux, il vit le rouge chaperon qui luisait ; deux ou trois coups de ciseaux encore, et la fillette sortait dehors en s'écriant : « Oh, la, la, quelle peur j'ai eue ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup ! » Et bientôt après, sortait aussi la vieille grand-mère, mais c'était à peine si elle pouvait encore respirer. Le Petit Chaperon Rouge courut chercher de grosses pierres qu'ils fourrèrent dans le ventre du loup ; et quand il se réveilla et voulut bondir, les pierres pesaient si lourd qu'il s'affala et resta mort sur le coup.
Tous les trois étaient bien contents : le chasseur prit la peau du loup et rentra chez lui ; la grand-mère mangea la galette et bu le vin que le Petit Chaperon Rouge lui avait apportés, se retrouvant bientôt à son aise. Mais pour ce qui est du Petit Chaperon Rouge, elle se jura : « Jamais plus de ta vie tu ne quitteras le chemin pour courir dans les bois, quand ta mère te l'a défendu. »
Timbre allemand - 1960
On raconte encore qu'une autre fois, quand le Petit Chaperon Rouge apportait de nouveau la galette à sa vieille grand-mère, un autre loup essaya de la distraire et de la faire sortir du chemin. Mais elle s'en garda bien et continua à marcher tout droit. Arrivée chez sa grand-mère, elle lui raconta bien vite que le loup était venu à sa rencontre et qu'il lui avait souhaité le bonjour, mais qu'il l'avait regardée avec des yeux si méchants : « Si je n'avais pas été sur la grand-route, il m'aurait dévorée ! » ajouta-t-elle.
— Viens, lui dit sa grand-mère, nous allons fermer la porte et la bien cadenasser pour qu'il ne puisse pas entrer ici.
Peu après, le loup frappait à la porte et criait : « Ouvre-moi, grand-mère ! C'est moi, le Petit Chaperon Rouge, qui t'apporte des gâteaux ! » Mais les deux gardèrent le silence et n'ouvrirent point la porte. Tête-Grise fit alors plusieurs fois le tour de la maison à pas feutrés, et, pour finir, il sauta sur le toit, décidé à attendre jusqu'au soir, quand le Petit Chaperon Rouge sortirait, pour profiter de l'obscurité et l'engloutir. Mais la grand-mère se douta bien de ses intentions.
— Prends le seau, mon enfant, dit-elle au Petit Chaperon Rouge ; j'ai fait cuire des saucisses hier, et tu vas porter l'eau de la cuisson dans la grande auge de pierre qui est devant l'entrée de la maison.
Le Petit Chaperon Rouge en porta tant et tant de seaux que, pour finir, l'auge était pleine. Alors la bonne odeur de la saucisse vint caresser les narines du loup jusque sur le toit. Il se pencha pour voir et renifler, se pencha et renifla, renifla et se pencha si bien en tendant le cou, qu'à la fin il glissa et ne put plus se retenir. Il glissa du toit et tomba droit dans l'auge de pierre où il se noya.
Allègrement, le Petit Chaperon Rouge regagna sa maison, et personne ne lui fit le moindre mal.
Jacob et Wilheim Grimm
Contes des Enfants et du Foyer [Kinder- und Hausmärchen] (conte n°26), 1812
Traduit de l'allemand par Armel Guerne - Éditions Flammarion, 1967
3 commentaires:
Ah bah c'est ce conte que je connaissais !
Mais j'imagine bien le Chaperon si horrifié en disant cela : « Oh, la, la, quelle peur j'ai eue ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup ! » ... ahem.
Pardon, mais ça m'a fait rire.
Oh tu sais pas quoi, lors d'une soirée déguisée, je m'étais déguisée (eh eh oui) en chaperon rouge moderne ! En hommage à toa ! hihi
Chaperon rouge, parce qu'en rouge, et moderne, parce que désormais, la fillette ne craint plus le loup... héhéhéhé ;)
"Que portes-tu sous ton tablier, dis-moi ?"
là j'ai eu peur que cela bascule dans le pornographique... Il y a tellement de versions du chtit nenfant chaperon rouge , la pauvre elle est mangée à toutes les sauces.
Vous semblez fort curieuse de l'histoire du Chaperon rouge.
Si cela vous intéresse, voici une version remaniée ainsi que quelques remarques :
http://feuilly.hautetfort.com/archive/2009/09/27/tempete-dans-un-encrier.html
http://feuilly.hautetfort.com/archive/2007/09/07/voyage-au-pays-de-l-enfance.html
http://feuilly.hautetfort.com/
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