samedi 31 janvier 2009

Phographies et Anecdotes (1)



Vacances dans ma maison : autoportrait devant la porte de mon bureau (détail), 1979


Jean Dieuzaide (1921-2003), photographe français :
Fils d'une famille modeste issue de la région toulousaine, il débute son art peu avant la Seconde Guerre mondiale. Il gagne sa renommée en captant le Général de Gaulle lors de sa venue pour la Libération de Toulouse. Il prend alors le pseudonyme de Yan et travaillera essentiellement dans le sud-ouest français, en Espagne et au Portugal. Il fait en particulier une série de clichés, restés célèbres, sur Salvador Dali. Il est honoré par le prix Niépce en 1955 et le prix Nadar en 1961.
Il a été le créateur et l'animateur à Toulouse de la Galerie municipale du Château-d'Eau, première galerie permanente de photographie en France, installée dans un ancien château d'eau (1824), au bord de la Garonne et au débouché du Pont-Neuf, qui alimentait en eau les fontaines de Toulouse.
[source : wikipédia]


Dali dans l'eau - Jean Dieuzaide - Port-Llegat, 1953 (BM Lyon)
Dali dans l'eau - Jean Dieuzaide
Port-Llegat, 1953 (BM Lyon)


C'est à l'occasion d'un de ses voyages en Espagne en 1953 que Dieuzaide réalisera l'un de ses portraits les plus connus, celui de Salvador Dali. Une rencontre qui aura une suite inattendue et qu'il est intéressant de narrer par le détail tant elle marque elle aussi le début des actions militantes de Dieuzaide en faveur de a photographie et des photographes, défendant la qualité d'oeuvre d'art de l'une, et les droits des autres. Actions qui le mèneront dans des combats sur des fronts aussi différents que ceux de la notion d'art photographique, de la philosophie de la photographie, de son enseignement, de sa reconnaissance muséale, de son industrie... Laissons Dieuzaide nous conter ses démêlés avec le peintre espagnol.

« En 1953, à l'occasion de l'un de mes reportages commandé par Arthaud, passant par Port Llégat, l'idée me vint d'essayer de photographier le maître des lieux, le peintre Salvador Dali. Installé dans la petite auberge voisine, je fais part au patron de mon désir. Connaissant bien Dali, celui-ci me conseille d'écrire une demande qu'il se charge de transmettre. Ce que je fais immédiatement. "Maître, je suis de passage dans la région, il me serait très agréable que vois m'accordiez l'autorisation de photographier le Maître au travail" et je signe "Jean Dieuzaide". Un quart d'heure plus tard arrive un jeune homme, le petit Juanito, modèle de Dali, qui me transmet une réponse négative du peintre.

Coup dur qui m'irrite car je supporte difficilement ce genre d'échec. En réfléchissant alors au côté comédien de Dali, personnage un peu farfelu connaissant bien le français, il me vient une idée. Je lui fais donc parvenir un second message : "Maître, je vous remercie de votre réponse mais puis-je vous proposer autre chose : non plus photographier le Maître mais de photographier Dali dans l'eau". Cette sorte d'onomatopée a dû lui plaire car cinq minutes plus tard, je reçois un mot : "Rendez-vous demain matin à 10h30 devant ma porte". Quelle fête ce soir-là avec le patron !

A 10h30 le lendemain, je frappe à la porte. Le Maître apparait, droit comme un I, drapé dans sa dignité et dans son peignoir, la main lui servant de fibule sur l'épaule, les jambes nues sous le peignoir, les moustaches admirablement cirées et très longues ornées de chaque côté d'une fleur de jasmin ! Un spectacle inouï devant lequel je me suis mordu la langue pour ne pas pouffer de rire. « Qu'attendez-vous de moi ? » « Je voudrais photographier Dali dans l'eau ». « Oui, mais je n'aime pas l'eau ». Effectivement il n'avait jamais été vu, ni photographié, se baignant en mer. J'insistai en lui disant « Maître, allons quand même dans l'eau ». « Je ne veux pas avoir de l'eau plus haut que les cuisses ». « Mais Maître, vous pourrez vous accroupir ». « C'est en effet une solution ». Nous nous sommes donc accroupis tous les deux dans l'eau devant les rochers et je lui ai demandé des faire des yeux "riboulants"... ce qu'il a fait avec talent. J'ai déclenché quatre ou cinq fois. Réitérant alors ma demande de le photographier chez lui, j'essuie un nouveau refus « Non, pas dans mon atelier ! » A mon retour à Toulouse, j'envoyais la série de photographies au Maître qui se garda bien de m'en accuser réception et de me retourner avec une dédicace celle que j'avais eu la prétention de lui demander à titre de souvenir personnel... Luis Miguel Dominguin et beaucoup d'autres le feront bien gentiment...
»


Extrait de : Jean Dieuzaide Yan : [photographies]- Marval, 1994


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